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Paysage fantôme

Ayano Tsukimi est une femme qui vit seule avec son père de 83 ans dans leur maison familiale à Nagoro, un petit village situé à l’est d’Iya sur Shikoku, l’une des quatre grandes îles du Japon. Elle est mariée, mais son mari et sa fille vivent loin d’elle à Osaka.

Il n’y avait pas grand-chose à faire, raconte cette Japonaise de 64 ans, à part s’occuper de son jardin, sans succès. Je me suis dit que nous avions besoin d’épouvantail, explique-t-elle, dans le court documentaire The Valley of Dolls, réalisé par le photographe allemand Fritz Schumann. Elle a donc fabriqué un épouvantail qui ressemblait à son père. Quand elle s’est rendu compte qu’un voisin saluait sa poupée en lui disant bonjour, cela l’a incité à poursuivre son ouvrage, à continuer à coudre et à tricoter d’autres poupées.



Elle a tricoté depuis plus de 350 poupées grandeur nature représentant des jeunes, des vieux, des enfants, en mémoire de ses voisins qui sont morts ou qui ont quitté la région, dans différents endroits du village. Ils sont en train de pêcher, semblent regarder les voitures passer, attendent assis à un arrêt de bus ou à côté d’un vélo, certains sont accoudés à des barrières, ou travaillent dans les champs.

Je suis très douée pour faire des grand-mères, explique celle qui a fabriqué toutes ces poupées. Je tire des fils autour de la bouche et elles sourient, dit-elle.

En une quarantaine d’années, le nombre de résidents a très nettement diminué dans cette région montagneuse du Japon, les maisons se sont désertées, abandonnées, vides. Donc, j’ai fait les poupées afin que les gens ici ne se sentent pas seuls, déclare Ayano.

L’épouvantail dans les campagnes permet de faire peur aux oiseaux et de protéger les récoltes agricoles. Les poupées d’Ayano Tsukimi servent d’épouvantail à leur manière, c’est une présence dans un espace à l’abandon, un désert, et c’est un leurre pour éloigner les intrus, les indésirables, mais tenter de faire revenir par moments la vie dans dans ce village isolé. Ce lieu est hanté par des fantômes en forme de poupées, réplique en chiffon de personnes réelles, parties vivre ailleurs ou disparues. Mais de plus en plus de touristes locaux font le détour pour découvrir ces poupées et rompre ainsi la solitude de cette femme et l’abandon de ce village.

Près de Béziers, dans les ruelles médiévales du village circulaire de Murviel les Béziers, des poupées de chiffon et de paille font revivre également des personnages du passé : les petetas ou poupées en Occitan. Elles représentent des métiers, des scènes de la vie quotidienne et des personnalités du village : le maire, le boucher, la fanfare municipale, l’instituteur et sa classe.

Le blog de Délit Maille est quant à lui peuplé de personnages qui font l’actualité ou hantent la mémoire collective. Poupées dimension 1/12e, ses « gens en laine », comme leur conceptrice les appelle ont été exposés à La Piscine de Roubaix.


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