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Ateliers d’expérimentation et de représentations à l’École Spéciale d’Architecture

À la fin du mois de décembre 2013, à l’invitation de Marc-Antoine Durand, (architecte, enseignant, et auteur (notamment dans la revue nerval.fr)), j’ai présenté l’appropriation artistique et la puissance narrative de l’imagerie Google Street View à des étudiants de l’École Spéciale d’Architecture, et je leur ai proposé un atelier d’écriture numérique.

Certains étudiants m’ont envoyé récemment leurs textes. Je les publie ci-dessous. Consultez également leur blog Architecture des Milieux, il vaut vraiment le détour.

Pour préparer la séance avec les étudiants en DES Architecture des milieux, dont l’objectif est d’associer recherche et projet (stratégie territoriale et formes architecturales), Marc-Antoine Durand m’avait transmis les précédents exercices d’écriture sur lesquels ils avaient travaillés, que je ne résiste pas à vous présenter à la fin de cet article.

« La ville en devenir nous le rappelle tous les jours, écrit Frédéric Bonnet : elle peut très bien croître et se transformer sans architecture. Ni l’attention la plus élémentaire, ni la pensée ne sont une condition irréfragable de son dynamisme. Pourtant le débat politique contemporain interroge directement notre cadre de vie : comment répondre aux questions écologiques et sociales sans un renouvellement de la pensée urbaine et architecturale, et des pratiques associées ? L’architecture des milieux est une hypothèse pour nourrir ce travail collectif, à la fois réparateur et refondateur. »

Présentation de quelques travaux d’artistes utilisant Street View :

Le Tour du jour et du groupe Facebook constitué autour de ce thème.

Jon Rafman et son blog, Caroline Delieutraz, Viktoria Binschtok : World of Détails, Paolo Cirio :Street Ghosts, Martin Backes : PixelHead, Michael Wolf, Stéphane Degoutin & Gwenola Wagon : Random Street View et Globodrome, Edgar Leciejewski, le travail sur les femmes seules par Mishka Henner : No Man´s land, Olivier Hodasava : Dreamlands et la 1000ème, Paul Soulellis : Las Meninas, Manchester par Bed : un carnet de voyage dessiné d’après Google Street View, Éric Tabucchi : A French American Trip (FAT), Aaron Hobson : The Cinemascapist, Julien Levesque : Google Street View Patchwork, Face à Face (les disparus) : Ces visages lavés par les algorithmes forment une suite de portraits mystérieux, ayant perdus leurs identités. Effacées par la machine, ces être humains sont réduits à des silhouettes, des fantômes de l’image dans notre paysage. Doug Rickard : A New American Picture 2011, Cécile Portier et Pierre Ménard : Le Passage du désir, Anne Savelli et Pierre Ménard : Laisse venir, Ateliers à Sciences Po de Pierre Ménard : Inventer la ville (vous êtes ici).

Photographies de l’École Spéciale d’Architecture :



Textes des étudiants :

Grand Décor. Une image capturée depuis le Pont Neuf, on y voit la façade arrière du Louvre et son architecture classique aux frontons triangulaires et pilastres couronnées de balustrades, de l’autre coté sur la rue homonyme un îlot haussmanien fait l’angle sur les quais de la Seine, la rivière coule dans son canal très minéral ponctué de quelques arbres auxquels se superposent des arbres d’alignement (dont certainement quelques platanes) sur un fond entière bâti sur la Seine fait de pierre calcaire, fenêtres verticales et toitures en zinc aux multiples cheminées, de cet horizon émergent deux clochers d’église. Les trottoirs en granite du pont accueillent des bancs en demi-cercle ponctués par deux réverbères en font richement sculptés de quatre oisons qui servent de socle. Un coup d’œil de moins d’une seconde sur l’image suffirait à reconnaitre ce lieu dont la vision pourrait facilement être complétée d’une image mentale, tant ce lieu est caractéristique des textures et qualités formelles de la ville de Paris.

César Silva Urdaneta

C’est une rue que je connais pas. On croirait une rue désertée par les habitants, l’ambiance calme me rappelle un matin de week-end ou je suis pas arrivé à dormir plus ; la lumière du soleil combinée aux tons claires des façades d’immeubles à petit gabarit, cette végétation à son état naturel à droite, la barque, le château d’eau, ou le petit phare en rouge et blanc, les fenêtres bleues dans la façade blanche du quatrième immeuble à gauche, mais aussi ce ciel, nous laisseraient presque croire à une rue dans une petite ville en bord de mer, le matin d’un jour férié. Nous sommes au quatorzième arrondissement de Paris.

Adel Belarbi

Mon choix s’est porté sur cette photo car on y voit un édifice religieux, j’ai toujours été fasciné par le caractère sacré que dégagent ces derniers dans l’espace. Ainsi, dans toutes les villes du monde, ils se dressent tel des lieux immuables, enfermés dans une sphère impalpable, impénétrable.
Église, mosquée, mausolée ou synagogue comme dans le cas de cette image, sont des espaces porteurs d’une symbolique presque inexplicable pour les hommes, croyants ou pas. Pénétrer dans un lieu comme celui-ci est une manière immatérielle de se mettre en contact avec Dieu, en se demandant toujours si nos prières seront plus entendues dans un édifice religieux que dans nos maisons.
« La sacralité » voilà donc le caractère de cette prise de vue. On peut également dire que ça en est l’enjeu car je me demande toujours pourquoi les hommes les fréquentent. Est-ce par devoir ou pour un certain bien être ? Est-ce pour se repentir de ces pêchés ou pour partager un moment individuellement collectif avec le seigneur ? Cette image me parle car au-delà de leur aspect bienfaiteur fondé sur les moments de partages communautaires, le vivre ensemble, le respect et l’apaisement des cœurs, ces édifices peuvent dans certains cas jouer les rôles des armes les plus dangereuses abritant les sectes, développant le repli communautaire, fermant les cœurs et formatant les cerveaux en utilisant la voix sacrée de Dieu comme moyen indirecte pour faire pression. Cette photo en particulier me raconte l’histoire de quelques religieux juifs, à l’entrée de leur synagogue, probablement Ashkénaze vu leurs apparences. Nous sommes surement un samedi matin, jour de Chabat, dans le quartier du Marais berceau historique de la communauté à Paris.
Plantées sur les côtés de cet édifice tel une paire d’yeux qui ne clignent pas, deux caméras de sécurité donnent une indication sur le sentiment de peur que ressentent les gens qui fréquentent ce lieu. Ne viennent-ils pas pour trouver la paix à l’intérieur ? Malgré cela le danger les guette car de nos jours, le danger est partout. Il frappe même les lieux de culte.
Une chose est sûre, c’est qu’au vu de leur histoire marquée et des différentes attaques dont ils ont été victimes. Cette photo représente surtout l’attachement de ces gens à leur religion, mais par- dessus tout leur éternelle détermination à suivre la voie sacrée du Seigneur.
 Shalom !

Mohammedi Lakhdar Yacine



Les manifestants devant le Panthéon :

…mais, moi, je les vois plus, avec leurs panneaux noirs et oranges. Je ne sais pas pourquoi ils se manifestent ; je vois seulement le Panthéon.
Avant de faire mes études à Paris, j’ai visité Paris trois fois en étant touriste : la première pendant mon enfance, la deuxième pendant mon Erasmus, la troisième avec un ami Parisien. C’était pendant la dernière visite que j’ai pris la décision de marcher vers le quartier du Panthéon…Même aujourd’hui, quand je passe par là, il me rentre le sentiment que j’avais ce jour-là. Il me paraît impressionnant, un bâtiment, on dirait, historique, mais sans âge, hors le temps, comme il était là depuis toujours. Et, au moment que j’avais déjà visité le Panthéon à Rome, j’ai commencé à faire spontanément des comparaisons dans ma tête, sans ordre, sans penser ; j’ai essayé de réfléchir à l’impression que j’avais par le bâtiment synonyme : Je l’ai détesté ! C’était une construction brutale placée dans un tissu urbain dense. Il n’y avait pas d’espace entre ce Panthéon et les bâtiments qui l’entourent… J’avais le sentiment que tous ces immeubles veulent me cacher le ciel.

Tsagkera Sofia

Extraits des ateliers d’expérimentation et de représentations :

Camp Militaire Karatassiou, Polichnè, Thessalonique, Grèce

Les parcelles de terre déjà cultivés par les agriculteurs, l’Église Orthodoxe,
le Cour de récréation (nouveau), le terrain de football, la Cafétéria
(abandonnée), le kiosque avec les banquets, le cours d’eau, le château
d’eau, le garage des véhicules militaires (abandonné), la partie couverte
par les déchets, les anciens bâtiments d’hébergement des soldats (abandonnés),
les terrains pour les exercices militaires.

Tu n’es pas très loin du centre de Thessalonique (un quart de heure approximativement), mais tu as l’impression que ta maison est au milieu d’une petite ville. Est-ce que tu as essayé de regarder la ville par la montagne de Chortiatis pendant la nuit ? Tu peux facilement distinguer les limites du camp militaire car
c’est un « trou » dans le tissu urbain. Tu es dans le stade de football de l’équipe MAKEDONIKOS qui des chaises colorées aux couleurs de l’arc-en-ciel. Tu es obligé d’utiliser le périphérique pour aller de l’aéroport à l’ouest de la ville, mais tu perds l’opportunité de « vivre » et de « comprendre » la ville. Tu écoutes la cour d’eau qui couvre le bruit des voitures et te fait rêver une escapade à la campagne. Tu peux toujours tourner ta tête vers la mer et apprécier la vue… Tu vois l’ensemble des bâtiments de l’hôpital, le périphérique, le camp militaires au fond… Tu essaies d’accéder à l’ancien camp militaire « Karatassiou »… Quand tu vois le nouvel hôpital militaire de Thessalonique (un ensemble des bâtiments en brique rouge) à ton droite, tu prends la prochaine sortie.

Pentapole du M’Zab, Algérie

Pisé, terre stabilisée, mortier de chaux, pierre, bois.

Plein d’étalages et de marchands et de personnes qui font leur marché. Le brouhaha des gens, des tapis et des tissus de couleurs étalées devant des petites boutiques
qui vendent de tout. L’odeur du cumin, de la cannelle, le passage rétrécie par les sacs d’épices devant les boutiques, et un voilage au dessus. Une fraicheur dans la
rue ombragée entre deux hauts murs presque aveugles, deux portes en bois et des enfants qui courent. Une arcade avec un luminaire, des petites fenêtres de part
et d’autre, deux murs de couleur plus claire. Intersection entre les deux rues, la deuxième est encor plus étroite, il n’y a plus de portes de maisons. Un passage
en escalier en pas-d’âne, plus de lumière dans les yeux. La pente de la rue est plus abrupte, un groupes d’enfant tous vêtues de blanc, des livres à la main. C’est
une voie sans issue très ensoleillée, l’aboutissement du long escalier, un grand portail en bois, et en haut une tour prismatique ouvertes de petites lucarnes , le tout dans une couleur ocre éclaircit par le soleil.

Cherchell, Wilaya de Tipaza - Tchoupen, Algérie

La route de la limite Nord du douar avec la ville, la Route nationale n°11, le mur de limite Sud du douar avec l’académie militaire, la micro forêt au centre du douar, le mur de la limite Ouest du douar avec l’académie militaire, les bâtiments Est de l’académie militaire, les terres agricoles au Nord du douar, l’amphithéâtre romain, la gare routière, le château d’eau, le marabout, l’école primaire au Sud du douar.

Une sorte d’ancienne arène romaine est utilisée comme terrain de foot clôturé où des militaires jouent au foot. Une grande parcelle agricole se trouve ici. La voie est boueuse et étroite. Le mur de la caserne militaire met une limite. Les maisons ne sont pas finies. Leurs façades en briques creuses restent nues. L’air est humide et
les constructions de plus en plus éparpillées. La pente est abrupte. Le goudron réapparait dans ce petit carrefour. Des cris d’enfants résonnent, il y a une école primaire.

Atrone Gassi à Ndjamena, Tchad

La mosquée, le rond-point double voie, la berge, le marécage, l’école primaire, la plage, l’avenue Taiwan, l’église, le pont Taïwan, le bar dancing, la maison X, le stade, la pharmacie, le marché, le jardin, le cimetière, la léproserie, la station autobus, la station essence (Mobil).

La fraicheur des étangs d’eau. L’odeur nauséabonde des dépositoires et des bois de feu. L’odeur du thé et des poissons du marché ADALA. La précipitation des piétons le matin à 6 heures au rond-point du 10 Octobre. La chaleur dégagée par la route goudronnée. Les bruits des discothèques et des cabarets. Le klaxon des mototaxi, et des voitures tous pressés. La Fumée polluante des voitures et moto en circulation. La poussière de sable provenant des camions transporteurs et emportée par le vent.

Petite ceinture, Paris

Tu traverses la passerelle qui enjambe la petite ceinture et tu es follement attiré par cette végétation sauvage qui arrive à ta hauteur. Tu marche sur cette partie de la petite ceinture entourée par des alignements d’arbre telle une rue de ta vie quotidienne, à l’exception près que tes pieds sautillent de latte en latte de bois du rail de chemin de fer et que tu es enfermé par des grillages de chaque côté. Tu essayes de déchiffrer les graffitis de ce bâtiment abandonné longeant la petite ceinture. Tu t’arrête quelques minutes et contemple cette œuvre « bleutée » d’art, tagué sur une clôture en bois bordant la petite ceinture. Tu continues ta promenade et ton intention s’arrête sur ce feu stop abandonné, pourtant sa présence te fait imaginer le train à l’arrêt. Tu marches sur la petite ceinture qui s’élève au dessus de la rue, et au loin tes yeux fixent les tours mercuriales de Bagnolet. Lors de ta promenade nocturne, tu marches sur un pont métallique de la petite ceinture, seul les lumières de la rue en contre bas guident tes pas. Tu regarde les restes de ce qui fut la gare d’Avron, un bâtiment devenu l’expression des graffeurs. Ton regard se focalise sur ce bâtiment
en friche situé en surplomb d’un ancien quai et tes yeux fixent les rideaux bâches
des fenêtres te faisant soupçonner des habitants clandestins.

L’intégralité des textes est à lire sur le fichier pdf ci-joint (document provisoire) encore en cours d’élaboration.


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