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Séance 295

Cet atelier figure dans l’ouvrage Comment écrire au quotidien : 365 ateliers d’écriture, édité chez Publie.net en version numérique et imprimée : 456 pages, 24€ / 5,99€.

Vous pouvez commander ce livre directement sur la boutique de Publie.net (une manière de soutenir la maison d’édition et ses auteurs) ou en ligne (Amazon Place des libraires, etc.) — et bien évidemment chez votre libraire en lui indiquant l’ISBN 978-2-37177-534-3, distribution Hachette Livre.

Proposition d’écriture :

Faire le portrait d’écrivains qui ont franchis les frontières réelles et les barrières sociales, là où est mise en péril l’identité elle-même. Mettre en question les clichés et les représentations erronés, attirer notre attention sur des faits et des objets apparemment anodins, proposer une nouvelle image de la création, un musée imaginaire où les récits prennent vie et chair, où la figure de l’écrivain est celle de l’étranger, dont l’expérience décalée aiguise les interrogations et stimule l’imaginaire.

Pensons ailleurs, Nicole Lapierre, Stock, collection Un ordre d’idées, 2004.

Présentation du texte :

À travers les figures d’Edward Saïd, de Gilles Deleuze, de Walter Benjamin et bien d’autres encore, Nicole Lapierre nous convie à suivre une réflexion itinérante "dans l’entre-deux des textes et des histoires, entre idées et expériences, aux frontières des disciplines et aux confins des territoires. Son livre, comme son titre le suggère, est une invitation à déplacer notre regard, à sortir des sentiers battus de la pensée et de l’habitude.

L’enquête que nous propose Nicole Lapierre nous entraîne ainsi sur le pas d’intellectuels qui ont refusé de rester à leur place, qu’elle soit géographique ou institutionnelle, et qui ont, de ce fait, développé une réflexion philosophique et politique à contre-courant des idées dominantes. De Georg Simmel qui s’attache à étudier les ponts, les seuils et les passages comme lieux essentiels de notre environnement à Serge Gruzinski qui étaye de livre en livre sa réflexion sur le métissage des cultures, Nicole Lapierre nous fait découvrir et aimer des penseurs qui ont contribué à modifier notre regard sur le monde.

Mettre en question les clichés et les représentations erronés, attirer notre attention sur des faits et des objets apparemment anodins, proposer une "nouvelle image de la pensée" selon la belle formule de Gilles Deleuze : ce sont les qualités qui rapprochent tous les auteurs convoqués dans ce livre nomade.

Extrait :

« Je les imagine tous réunis (Charlotte et Martin Beradt, Hannah Arendt, Heinrich Blücher, Siegfried Krakauer, Walter Benjamin), un soir de 1942, une bien triste année, dans le petit deux pièces occupé par Charlotte et son époux, l’écrivain Martin Beradt. Les Cheveux, par terre, ont été balayés, les peignes, brosses et bigoudis rangés, car pour vivre, Charlotte tient là un salon de coiffure pour dames dans la journée. Ils discutent de cette collection de trois cent cauchemars entre 1933 et 1939. Benjamin, qui pensait justement qu’une époque se dit aussi par ses rêves, est à la fois accablé et fasciné par ceux-là : des rêves de soumission, de peur, d’humiliation, mais également de subtile transgression (rêver qu’il est interdit de rêver, par exemple), des scénarios grotesques et grinçants témoignant de la façon dont le totalitarisme pénétrait les consciences, tourmentait le sommeil et travaillait les songes. Kracauer, qui gagne difficilement sa vie en travaillant à la Film Library du Museum of Modern Art et pense déjà à l’ouvrage qu’il veut écrire sur le cinéma expressioniste allemand, souligne la ressemblance avec l’atmosphère inquiétante, mécanique et chaotique de ces films (il la définira plus tard comme le triomphe complet de l’ornemental sur l’humain). Il parle de Caligari, du Dr Mabuse, de la passivité et de l’effroi. Hanna Arendt évoque l’univers de Kafka au sujet duquel elle écrira peu après, en 1944 : "Nous sommes aujourd’hui sans doute beaucoup plus conscients qu’il y a vingt ans que cet univers est davantage qu’un cauchemar et qu’il coïncide de façon inquiétante avec la structure de la réalité que nous sommes en train d’endurer. Comme en miroir, c’est précisément pour aider à comprendre la réalité d’une structure sur le point de se transformer en cauchemar que Charlotte Beradt s’était lancée dans cette étrange et périlleuse aventure de collectionneuse des mauvais rêves de ses concitoyens à Berlin. » »

Auteur :

Nicole Lapierre, sociologue, directrice de recherche au CNRS, codirectrice de la revue Communications, a notamment publié Le Silence de la mémoire, Le Livre retrouvé et Changer de nom.

Liens :

Un large extrait sur le site de mobilisés pour l’Université de Poitiers

Présentation de l’auteur sur le site du Centre Edgar Morin

Blog de Nicole Lapierre sur le site de Mediapart Entretien avec Nicole Lapierre dans la revue Vacarme


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