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Séance 39

Cet atelier figure dans l’ouvrage Comment écrire au quotidien : 365 ateliers d’écriture, édité chez Publie.net en version numérique et imprimée : 456 pages, 24€ / 5,99€.

Vous pouvez commander ce livre directement sur la boutique de Publie.net (une manière de soutenir la maison d’édition et ses auteurs) ou en ligne (Amazon Place des libraires, etc.) — et bien évidemment chez votre libraire en lui indiquant l’ISBN 978-2-37177-534-3, distribution Hachette Livre.

Proposition d’écriture :


Ce n’est pas la photo de soi-même qui compte ici mais l’image qui fait mémoire pour chacun d’entre-nous. Les images les plus précieuses qu’on emporte avec soi, quelles sont-elles ? Ecrire ce texte sans y mettre de ponctuation pour mieux se contraindre à cette tension de surface des mots, pour mettre en évidence leur rythme, leur texture et leur sonorité autonomes.

Histoire, Claude Simon, Minuit, 1967.

Présentation du texte :

Histoire illustre ce travail de montage qui replace chaque carte postale dans un ensemble ou plutôt une combinatoire de leurs sujets. Chacune implique un temps et un espace, un personnage ou un paysage, et devient la pièce d’un puzzle imaginaire, lui-même dans un temps et un espace nouveaux : temps et espace composites, comme celui dont la mémoire fait état, produits après coup parce que la mémoire agence l’histoire selon ses lois propres, presque à l’insu du moi qui semble alors n’avoir pour vérité que cette loi d’agencement. Je suis cet espace et ce temps malgré moi et en moi constitués par la mémoire. Une fois encore le collage a les faveurs de l’écrivain parce que le collage trouble chacun des éléments qu’il mobilise, parce qu’il le fait sortir d’un ordre de signification et le réinvestit, parce que, dans le collage, les choses paraissent soudainement douées d’une polysémie immanente. Ensemble, les cartes postales ouvrent au monde, au bruit gigantesque de son étrangeté autant qu’à la prodigalité sensible qui me fait son reflet. Ensemble, les cartes postales m’ouvrent à ma propre étendue.

Extrait :

« Il existait dans un quelque part où elle irait un jour le rejoindre un au-delà paradisiaque et vaguement oriental quelque Éden quelque jardin à l’inimaginable végétation tout bruissant du cliquetis des palmes balancés comme celles qu’elle pouvait voir ornant les timbres de ces cartes postales qu’il lui en envoyait ne portant le plus souvent au verso dans la partie réservée à la correspondance qu’une simple signature au-dessous d’un nom deville et d’une date par exemple :

Colombo 7 / 8 / 08 Henri

et au recto (quand elle - la jeune fille qu’elle avait été - avait lu le nom de la ville la date la signature et qu’elle retournait la carte, elle et la grand-mère assises l’une en face de l’autre devant leurs minuscules tasses de ce chocolat à l’espagnole qui leur détraquait le fois, si épais (recommandait-elle aux domestiques) que la petite cuiller d’argent devait rester toute droite dans s’incliner ni tomber sur le bord lorsqu’on la plantait dedans - ou encore, l’été (la carte de Colombo datée d’août avait dû l’atteindre alors que comme chaque année elles étaient déjà parties s’installer à la propriété) dans le jardin étincelant, vêtue d’un de ces flasques et austères peignoirs à collerette boutonnés jusqu’au cou, aux pans traînant par terre et évasés comme une corolle, de sorte qu’avec sa coiffure à coques et chignon imitée des estampes japonaises son visage un peu gras vierge de hâle on aurait dit quelque délicate tête de porcelaine blanche et noire surmontant un pavillon de phonographe posé à l’envers)... au recto donc, un port, le palais d’un gouverneur, la salle à manger d’un paquebot, le lac argenté scintillant d’obscurs palmiers aux troncs couchés sur l’eau une pirogue, avec, comme légende, Fishing by Moonlight on the Colombo Lake. »

Histoire, Claude Simon, Minuit, 1967, p.18-19.

Auteur :

Claude Simon est né en 1913 à Tananarive. 1914-1924 Petite enfance à Perpignan avec sa mère, morte en 1924. 1924-1930 Études secondaires au Collège Stanislas, à Paris, jusqu’au baccalauréat, section mathématiques élémentaires. 1933-1934 Claude Simon suit les cours de peinture d’André Lhote. 1936 Voyage à Barcelone. 1937 Voyages en Allemagne, URSS, Grèce, Italie... 1939 Le 27 août, mobilisation de Claude Simon. 1940 Entré en Belgique le 10 mai et parvenu au-delà de la Meuse, son régiment repasse celle-ci en catastrophe au soir du 12, ayant perdu en une journée le quart de son effectif. Dans les jours qui suivent, il bat en retraite, livrant le 15 un combat à retardement à Cottaprex, près de Graux. Au matin du 17, il tombe à Coussolre dans une embuscade tendue par les blindés ennemis. À partir de là, il n’existe plus en tant qu’unité constituée et son colonel, isolé, est abattu un peu plus tard sur la route d’Avesnes. Le 20 mai Claude Simon est transporté en wagon de marchandises dans un camp de prisonniers. Le 27 octobre, évasion du stalag IV B de Mühlberg-sur-Elbe. 1951 Grave maladie qui oblige Claude Simon à rester alité plusieurs mois. Il mettra deux ans à se rétablir. 1956 Rencontre d’Alain Robbe-Grillet et de Michel Butor, à l’occasion de son entrée aux Éditions de Minuit pour la publication du Vent. 1985 Reçoit le prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre.

Liens :

L’éditeur de Claude Simon

une page manuscrite de Claude Simon sur le site de l’adpf

Biographie de Claude Simon

Entretien avec Claude Simon sur sa méthode d’écriture

Biographie et bibliographie de Claude Simon sur l’encyclopédie Wikipédia


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