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Séance 239

Cet atelier figure dans l’ouvrage Comment écrire au quotidien : 365 ateliers d’écriture, édité chez Publie.net en version numérique et imprimée : 456 pages, 24€ / 5,99€.

Vous pouvez commander ce livre directement sur la boutique de Publie.net (une manière de soutenir la maison d’édition et ses auteurs) ou en ligne (Amazon Place des libraires, etc.) — et bien évidemment chez votre libraire en lui indiquant l’ISBN 978-2-37177-534-3, distribution Hachette Livre.

Proposition d’écriture :

Dans l’attention qu’exige la conduite, la pensée prend des libertés. Ce moment entre parenthèse, isolé dans l’habitacle de la voiture, est l’occasion d’opérer un retour sur soi, au rythme des paysages qui défilent. La langue qui décèle ce qu’on ne sait pas de soi, parce qu’elle le prend à la peau du monde, au temps même des kilomètres. Le temps d’un trajet en voiture, faire épouser à son récit, les mouvements, virages, dépassements, pauses, carrefours, déplacements et bifurcations d’un monologue intérieur.

Contact, Cécile Portier, Éditions du Seuil, Collection Déplacements, 2008.

Présentation du texte :

Une voiture part d’une résidence de banlieue pour rejoindre la mer à l’autre bout du pays, pour un week-end clandestin. Le trajet est l’occasion pour la personne qui conduit de faire le bilan de son histoire de couple, de sa vie de famille, des relations avec le conjoint et les enfants laissés au loin.

Une route, et conduire. Et la pensée se divise. Retour sur soi. Paysages d’aujourd’hui. La langue qui décèle ce qu’on ne sait pas de soi, parce qu’elle le prend à la peau du monde, au temps même des kilomètres.

« La route fait l’espace, dicte le paysage.

De notre vie, le récit fait pareil. Il est anodin, on le prend sans s’en rendre compte. On pourrait même penser qu’il est impossible de faire sans. Mais ce qu’il impose a un coût. Le récit exige beaucoup de celui qui l’emprunte. Le récit veut de la continuité, de la vitesse, de l’efficacité. Le récit veut du monumental, sur quoi s’accrocher quand il s’agit de faire une pause, retrouver du souffle. Surtout, le récit veut arriver quelque part.

Priorités établies, sens définitif.

Il n’y a qu’à essayer pour voir. Prendre l’exemple minimal : récit d’un trajet, d’un point A à un point B. II n’y a qu’à essayer et on en a tout de suite la preuve. Trajet simple, par la route, rejoindre la mer le temps d’une journée. L’itinéraire est connu. Mais voilà, le point B échappe un peu, on ne sait plus qui y retrouver. Les priorités s’évanouissent, le sens n’arrive pas à naître d’un choix toujours encore à faire. La destination reste indécise. Que se passe-t-il dans cet exemple minimal ? Qu’à la fin du récit on se sent floué. On se sent floué bien qu’arrivé, car le récit arrive toujours. Bien sûr qu’on peut moduler, prévoir des méandres, entrecroiser plusieurs fils qui se tissent ensemble, ou bien s’emmêlent. On peut même faire semblant de ralentir, se perdre. Bien sûr. Mais quoi qu’on fasse, quand on emprunte au récit, on se soumet à la religion de la destination. L’espace n’est là que pour être traversé. Le temps, que pour mesurer la vitesse à laquelle le point d’arrivée est atteint.

Atteindre, voilà ce que veut le récit. Mais atteindre quoi, ou qui ?

Et n’y a-t-il pas des manières d’atteindre qui puissent échapper au mouvement ? »

Postface du livre, p. 141-143.

Extrait :

« Évidemment, un jour, il faudra bien que la mort survienne, et ce sera certainement tout aussi con, inopportun, inopiné. Aucune circonstance ne saurait rendre cette réalité acceptable. Mais ce n’est pas le moment, c’est tout, pas le moment. Est-ce qu’on peut être prêt un jour pour ça, d’ailleurs ? Est-ce qu’on peut vivre en se disant qu’on est prêt à ce qu’elle survienne à tout moment, qu’on a tout préparé ? Des sous-vêtements qui ne feraient pas honte. Des papiers rangés, des objets assignés à leur future destination, des secrets prêts a être divulgués selon le plan choisi, ou bien purement et simplement passés à la déchiqueteuse. Rien qui traîne. Pas de hasard. Ce serait la mort avant même qu’elle vienne. Non, mieux vaut toujours la considérer comme une invitée qu’on ne peut pas attendre. »

Contact, Cécile Portier, Éditions du Seuil, Collection Déplacements, 2008, p.102.

Présentation de l’auteur :

Cécile Portier travaille à la Bibliothèque nationale de France. Contact est son premier récit.

Liens :

Le site de Cécile Portier

L’ancien blog de Cécile Portier : Petite racine

Présentation du livre et citation sur le blog de Lignes de fuite

Saphir et Antalgos, travaux de terrassement du rêve, un texte sur Publie.net


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