Cet atelier figure dans l’ouvrage Comment écrire au quotidien : 365 ateliers d’écriture, édité chez Publie.net en version numérique et imprimée : 456 pages, 24€ / 5,99€.
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Proposition d’écriture :
Le propre de l’homme semble être l’animal tu en l’homme, l’animal comme vérité d’un être en chemin vers la parole. Écrire un long poème comme on part à la chasse, mais en chasseur de soi, de l’autre en soi (infiniment démultiplié). Des poèmes isolés, (morceaux de phrases disposés en cascade, mots décentrés les uns par rapport aux autres), fragments qui s’enchaînent (et se répondent) d’un long texte perdu dont il ne resterait aujourd’hui que des éclats : la forme retenue - blocs de strophes et vers isolés impeccablement déposés sur la page qui en conserve l’incandescence première tout en exhibant ses lacunes.
Les animaux industrieux, Auxeméry, Flammarion, 2007.
Présentation du texte :
A l’inverse des deux volumes qui réunissent son œuvre antérieure - et qui offraient un savant mélange, une chambre d’échos de séquences aux registres variés - Les animaux industrieux se présentent presque comme un poème d’un seul tenant, déroulant une série de variations d’une indéniable unité. Aussi bien a-t-on moins affaire ici à des poèmes isolés qu’aux fragments qui s’enchaînent (et se répondent) d’un long texte perdu dont il ne resterait aujourd’hui que des éclats : la forme retenue - blocs de strophes et vers isolés impeccablement déposés sur la page - en conserve l’incandescence première tout en exhibant ses lacunes. La médiation (car c’en est une) concerne le destin d’une vie et d’un monde qui se délitent de concert. Passée au filtre du réel, la parole poétique excède pourtant le destin d’un seul : l’histoire d’une humanité sans âge s’y profile, jusque dans sa gloire sauvage et ses rêves échoués. Vision empreinte d’un pessimisme lucide - mais attentive à ce qu’il reste de beauté dans le désastre du monde. Comme dans ce chant d’amour étranglé.
« L’homme crée du langage, de la conscience, de la grammaire. Mais où a-t-il trouvé, à l’origine, la forme des signes destinés à constituer ses alphabets, ses syllabaires, ses vocables ? Dans les traces des animaux, ou leur représentation. L’alpha est une tête de bœuf. Le V, c’est la formation des oiseaux dans le ciel, quand ils migrent… On a pu dire que, dans l’économie de l’univers, l’homme – l’animal homme (un de mes amis américains, qui a fondé toute sa poétique sur la « lecture » des grottes ornées du Paléolithique, dit humanimal), industriel, industrieux – est peut-être le moment où la conscience s’est manifestée. Mais ce moment peut disparaître comme il est venu, en catastrophe (l’homme est peut-être une catastrophe pour l’animal en lui !). Peut-être, dans ce titre, y a-t-il une réminiscence de « la rage de l’expression » de Francis Ponge, lequel a cessé de m’intéresser depuis longtemps, mais dont la formule est précise, et dit le travail, horrible souvent (je prends l’adjectif au sens que lui donnait Rimbaud, des « horribles travailleurs »), travail de composition d’un monde intelligible, grâce aux signes dont nous usons, et dont nous sommes pétris, et peut-être que tout cela ne nous ramène qu’à notre origine bestiale. Les hommes ont peut-être délibérément choisi d’aller vers leur propre destruction. Charles Olson, un poète américain encore (mort en 1970), que je traduis, a ainsi écrit : I come from the last walking period of man (« je viens de la dernière époque où marchait l’homme »).
Il y a, dans la poésie, une espèce d’écho de nos profondeurs, de l’origine du langage, et donc de ce qui fait notre marque, la conscience. Cette obscurité au fond de nous, d’où vient cependant la lumière. Les animaux qui travaillent en nous à nous rendre ce que nous sommes, autres à nous-mêmes, peut-être – voilà ce qui pour moi cherche en moi à faire du sens, par des signes agencés en lignes, qui elles-mêmes, travaillent, dans l’incertain, à la poursuite du réel, d’une vérité mesurable. »
« Parmi ces masques - comme dans les cultures dites « primitives » -, écrit Laurent Margantin dans Œuvres ouvertes, priment ceux d’animaux, comme si la parole humaine devait, pour tenter de se saisir elle-même, revenir « en arrière », dans l’animalité du cri qui la précède et en vérité la porte au monde. »
Extrait :
Les animaux industrieux, Auxeméry, Flammarion, 2007.
Auteur :
Jean-Paul Auxeméry est un poète et traducteur français né le 15 septembre 1947. Auxeméry a passé une partie de sa vie en Afrique, avant de revenir se fixer au bord de l’Atlantique. Il continue de parcourir le monde (et les méandres de sa bibliothèque). Il a traduit de nombreux poètes américains (Olson, Reznikoff, Pound, H. D….) et publié plusieurs ouvrages, dont un Catulle (chez Tristram) et un récit : Les actes d’Hélène, chez Ulysse fin de siècle. Son précédent recueil : Parafe et Codex qui rassemblent l’essentiel de ses poèmes en 1994 dans la collection Poésie/Flammarion.
Liens :
Dossier Auxeméry sur Remue.net
La poésie vivante d’Auxeméry sur le site La Zone Littéraire
un article paru sur le blog La vie de biais Biobibliographie sur Wikipédia
Laurent Margantin dans Œuvres ouvertes La bibliothèque idéale d’Auxeméry sur le site de la Revue des Ressources