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Suite des ateliers que je mène à Poitiers avec les étudiants de SciencesPo et ceux de la Faculté de Lettres. Nous avons travaillé lors de cette troisième séance, le jeudi 19 novembre, à partir des œuvres de deux auteurs contemporains : autour de l’ouvrage d’Éric Giraud, La Fabrication des Américains, Éditions Contre-Pied, 2006 et celui d’Emmanuel Adely, Mad about the boy, Éditions Joëlle Losfeld, 2003.

Premier exercice :

Décrire un pays en énumérant tous les stéréotypes, emblèmes, objets, outils, figures et déterminismes liés à celui-ci.

Voici un des textes écrit par une élève :

L’abayat : étrangères - Les BMW en rang d’oignons aux feux tricolores - Le sexisme de la plage - Sept Émirats mitoyens artificiellement croulant de richesses - L’odeur envoutante de l’encens - Les voitures à boîtes automatiques - Production, consommation, surconsommation, tourisme de luxe, nouvelles technologies, technologie de riche, richesse de loisirs, croissance économique, économie d’énergie, énergies fossiles, fossiles de l’humanité - L’ennui de déambuler dans les malls, véritables villes impersonnelles climatisées - Émirats : centre perlier, Émirats : perles de la décadence humaine - L’or noir, tache d’encre sur la blancheur de son désert

Le summum de l’éclatante invention nationale : Sheikh Zayed bon Sultan Al Nahyan - Désert rôtissant, désert culturel, désert de sentiments 22°50’ et 26° de latitude Nord, 51° et 56°25’ de Longitude Est - La gazelle d’Arabie - Maître d’une architecture de gratte-ciels
lucifériens - Au fond, une frustration, celle de ne pas être né Américain - Skoun - La piste artificielle de ski - Les dimanches barbotant dans les eaux carbonisantes, irritantes du détroit d’Ormuz - Les souks d’or - Toi, dépressive, inactive - L’enivrement interdit - Les données macroéconomiques, masque de la tristesse féminine - La police corrompue - 49°C à minuit - Dostoïevski comme unique échappée à ce tourment humain - Panse enflée des Iftars - Ramadam - Le père Noël du Wadi Bashing - Coran, la foi en un Dieu unique, la zakât, Mahomet prophète, les cinq prières quotidiennes, le hajj, le jeûne, la charité - La fabrique fraternelle de parfums frangipaniers- Le curcuma - Les danses primitives - La chèvre assassinée par l’odeur festive de l’Aïd - 40° : la libération des Pakistanais esclaves- - Ile de Saadiyat, île mégalomane - Le mauvais goût de l’immobilier - Les empoignades familiales - Les réconciliations - Les 354 chaînes télévisées - Un héritage oublié, réinventé, bafoué, désacralisé, resacralisé - L’arôme d’une enfance badigeonnée de Biafine.

Deuxième exercice :

Écrire l’amour lancinant éprouvé pour l’autre quand il n’est plus là. En une seule phrase, une litanie amoureuse, qui s’articule en spirale obsessionnelle autour d’un monologue intérieur fait de brisures et d’élans, expression d’un temps arrêté, en boucle répétée comme une chanson qui nous revient en mémoire et ne nous quitte plus.

Voici un texte écrit par un élève :

Il est parti ou plutôt il va partir et depuis ce matin c’est lancinant ce n’est plus la vie en rose c’est du gris c’est de la pluie au mois de juillet. Hier c’était encore le mois de juin, c’est encore la vie je cours je cours je cours après lui je le fuis il est là il était là il était toujours là c’était Armstrong et sa voix chaleureuse, c’était toi et moi… Hier soir il était là même quand j’ai cru que je ne le verrais plus en rose en plus c’est idiot je ne me suis pas rendu compte qu’il était là c’est idiot aussi cette chanson j’aurais pu trouver plus original du rose pour endormir la douleur quand on croit qu’on se quitte sans y croire quand on se quitte vraiment je suis arrivée hier à la fin du film la vie en rose dans le silence à son « Tu seras là demain ? » Le film s’arrête et quand je me lève ce matin je ne me rend pas compte que c’est le dernier jour de chaleur que je suis encore vivante parce que tu es avec moi c’est un jour comme les autres où il est là et où je le sais et où je le cherche, c’est lancinant… Il ne peut pas disparaitre il est encore là c’est douloureux et quand il me parle tout bas je me berce des paroles cette chanson de ces paroles de ses paroles à lui je m’endors avec cette musique intérieure qui sera toujours et quand je ne chante plus cette chanson et quand il me prend dans ses bras, il n’est déjà plus là.

Et quand un jour je te reverrai j’ai peur de ne plus t’aimer encore.


Ateliers d’écriture à Poitiers : Éric Giraud et Emmanuel Adely

Publié le 24 novembre 2009
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