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Troisième séance : 10 avril 2010

Autour d’un mot choisi dans le vocabulaire urbain (kiosque, quartier, bus, rue, pavés, vocabulaire urbain), retrouver la ville de son enfance, à travers de courts textes aux sonorités en échos, au-delà des assonances, exercices de précision rythmique, de composition, de phrasé, où les mots s’aimantent à toute vitesse, passant du coq à l’âne, de la gare au marché. L’énumération est une manière de fragmenter autant d’éléments très précis et variés, détails miniatures. Le déclencheur de cette frénésie verbale est avant tout le son.

Michel Valprémy, Albumville, Atelier de l’Agneau, 2002.

Puiser dans le nom des rues, des quartiers du lieu où l’on a passé sa jeunesse, matière à écrire de courts textes autobiographiques, fragments de vie, biographie familiale, les lieux fonctionnant comme théâtre de la mémoire.

Jacques-François Piquet, Noms de Nantes, Joca Seria, 2002.

Rue Henry Dunant

Magali Joannelle

Rue de mon enfance, j’y suis née, j’y ai appris à faire du vélo, du patin à roulettes et suivi une bonne partie de mon cursus scolaire.

Pas de souci en maternelle, ni en primaire, sécurisée par ma mère que j’apercevais par la fenêtre et vice versa.

Beaucoup plus encombrant lors des années collège.

Dunant, fondateur de la croix rouge, blessés de guerre, image de corps enveloppés dans des pansements tels des momies. Est ce que ma mère craignait l’accident ? Certes j’avais la rue à traverser. Sa vigilance a été exemplaire ; il ne m’est jamais rien arrivé sur ce petit parcours, en contre partie pas de souvenir de premier baiser devant le portail du collège.

Rue Vicq- d’Azir

Belle sonorité qui claque, un nouveau départ, mon arrivée à Paris. Juste à coté, la rue Juliette Dodu, j’aurais préféré. Envoyer les cartes de changement d’adresse et marquer dessus : Joannelle Magali rue Juliette Dodu, ça m’aurait plu. Mais ça ne s’est pas fait.

Un an après, lors d’un élan de curiosité, je cherche Monsieur Vicq-d’Azir. Il a été un des premiers à avoir l’idée, face à la mortalité infantile qui sévissait à Paris, d’envoyer les enfants à la campagne auprès de vaches bien dodues ( vous voyez le rapprochement) afin qu’ils soient au grand air et bien nourris.

Ce qu’il n’avait pas prévu, c’est que la stérilisation n’avait pas encore été inventée et son taux de mortalité assez important ne lui a pas fait bonne publicité ;

Hasard de la vie : 10 ans après j’ai quitté la rue Vicq-d’Azir et je travaille dans un foyer maternel et à mon tour de veiller sur la bonne santé de petits enfants.

Le lavoir

Pièce maitresse du village, les femmes s’y retrouvaient y échangeaient les derniers potins, se querellaient parfois, surtout quand Rosette venait y rincer ses serpillières alors que Denise y lavait ses draps.

Je ne sais pas ce qui nous a pris ce soir là avec mes camarades, juste quelques minutes avant le bal du 14 juillet.

J’avais mis ma plus belle jupe, celle qui tourne. Encore bien innocente, les danseuses du Crazy Horse ne m’avaient pas encore influencées. Mais je me doutais qu’en tournant autour de la barre métallique qui soutenait le toit, j’allais donner à ma jupe l’effet voulu.

Je suis moins fière de la réception, j’ai lâché la barre et terminé dans le bassin. Catastrophe, mais c’était sans compter sur l’ingéniosité de la bande. Mot d’ordre, ne rien dire aux parents. L’idée fulgurante était alors de me mettre sous un réverbère pour sécher.

Merci à Monsieur Fortuné qui passait pas là et qui me ramena à la maison.

Le bal s’est bien passé, les pétards étaient de la fête, et mon jean, bien banal pour un premier bal.

Noms de Nantes

Caroline Diaz

1. Boulevard Beissières, Paris

Premiers souvenirs, première adresse. L’adresse de la désolation. Le lit blanc de ma mère dans le salon. Le tabac en bas, où elle achetait ses Stuyvesant rouges, paquets souples. La circulation si dense des maréchaux. Le Sacré Cœur qui se découpe dans le cadre de la fenêtre de la salle de bain. Bref passage.

2. Avenue de la plage, Edenville

Ma rue d’enfance, mon territoire tout entier l’hiver. Nous étions les seuls enfants à y vivre.

D’un côté, la nationale puis la falaise majestueuse. De l’autre, les dunes et la plage. Pas un jardin inexploré.

3. Avenue Corbera, Paris

L’avenue Corbera c’est l’appartement de ma grand-mère, au 8, premier étage. Nuits presque blanches à écouter le bruit de la circulation, inédit pour moi. La lumière des phares à travers les fenêtres sans volets. En face, l’épicerie de madame Blanchet qui nous régale de caresses ou pincements de joues, c’est au choix.

4. Boulevard Paoli, Bastia

Plus que le boulevard ce sont les ruelles perpendiculaires, circulations surprises, escaliers dérobés vers le vieux port. Le mouvement ascendant, descendant, l’incapacité d’en faire le parcours complet sans croiser une connaissance.

5. Place Saint Nicolas, Bastia

Grand quadrilatère planté de palmiers sur le flanc est. A l’opposé se dressent les façades ocrées d’immeubles majestueux, face à la mer. J’y ai usé les roues de mes patins, faisant la course entre le monument au mort et la statue de Napoléon.

6. Avenue d’Haïfa, Marseille

Nom exotique d’un quartier tout neuf, résidentiel, un ersatz de Marseille, rien à voir avec la vraie ville, une adresse de bout du monde, une fausse rue égrenée de bâtiments construits à la va vite, enduits de crépis clairs, numérotation incohérente, arches artificielles à l’abri desquelles nous avons découvert le flirt, les cigarettes et Depeche Mode.

Album ville

Caroline Diaz

A l’angle de la place Saint-Nicolas, la cabine téléphonique

Je suis nouvelle en ville. Pour me donner une contenance, je m’y engouffre, appelle un interlocuteur imaginaire et guette les mouvements de la place.
Les adolescents que je voudrais pour amis, je les choisis de loin.

L’église Saint-Vincent

Ses petits jardins en espaliers au dessus de la place Franz Liszt. Poste d’observation en retrait de la circulation incessante de la rue Lafayette,, alcôves vertes, lieux d’étreintes passionnées, de pique-nique improvisés.

L’arrêt de bus place Gambetta, à Yerres

Je suis souvent la première. J’attends les compagnons de voyage de mon itinéraire quotidien vers le Lycée de Montgeron. Alors que les adultes s’agitent, que les commerces ouvrent leurs portes, je sens que ma vie est ailleurs, dans cette attente, et que je vais bientôt partager avec les autres lycéens le récit de la veille, l’attente du jour, l’espoir amoureux.

Aujourd’hui, café du matin, sur le faubourg Saint-Martin, je retrouve ce même échange, rituelle tentative d’échapper à la réalité du monde agité auquel je me refuse d’appartenir.

Je me délecte de nos anecdotes maternelles, de nos préoccupations un peu superficielles, une parenthèse au cœur de la ville qui se met en mouvement, s’énerve et se durcit.

Piero Cohen-Hadria

Avenue du Théâtre Romain

Il y avait là des ruines, et de l’autre côté les volets bleus des villas blanches repeintes à la chaux par Philippo. On descendait l’avenue, on croisait la route de Kérédine, en passant sous le pont du TGM. Et, au bout, la plage, le soleil qui frappe, les rochers derrière lesquels jamais il ne fallait s’aventurer. On restait là, de petits mômes vendaient des lampes à huile aux touristes qui descendaient des cars. Des vraies lampes à huile authentiques. Il devait être midi, on allait se baigner, ma mère disait qu’il fallait en profiter. Parfois, au ciel passait un avion.

L’avenue de Paris

Il y avait des arcades, le cinéma où on passait « La Chose Venue d’Un Autre Monde », les marchands de glace à la violette, les jus d’oranges et les bombolonis. Des grappes d’hommes assis aux terrasses parlaient fort, et trois femmes passaient au bras l’une de l’autre, en manteau, c’était à l’ombre mais elles portaient aussi des chapeaux, c’était l’été mais elles se tenaient proches comme si elles avaient encore froid. Celle du milieu, c’était ma grand-mère, les deux autres, ses sœurs.

La rue de Marseille

Au bout, presque au coin, un grand immeuble presque noir qui fait penser à ceux qu’on peut voir à Clermont Ferrand. On entrait, au troisième, le cabinet de médecin de mon grand oncle qui devait nous vacciner contre la polio, la piqûre, la peur de cette maladie qui vous prend pour ne plus jamais vous lâcher jamais et on périt alors dans d’atroces souffrances…

La rue Kellerman

Au trois vivaient des voisins, des gens dont on en voulait pas entendre parler. En face, il y avait la clinique américaine, blanches, des persiennes, des vitres opaques. La maison était au 5 et donnait sur un grand jardin où une tête de lion crachait de l’eau dans un bassin. Au fond, l’atelier qui servait de remise. On entrait, le grand escalier , à droite le salon et près de l’une des fenêtres, mon grand père qui lisait tranquillement tout en surveillant la rue. A mon entrée, toujours, son sourire.

Je ne sais plus

En descendant l’avenue de Paris, un peu plus loin que l’arrêt terminus du TGM, sur la droite, il y avait le garage Robert qui faisait le coin. Je ne sais pas le nom de cette rue, j’ai oublié, je ne l’ai jamais su. Le Robert, c’était le frère de ma grand-mère qui se promenait sous les arcades avec ses deux sœurs, et là, dans ce garage, travaillait mon père. Ce qu’il y faisait ? Mystère. Il portait des lunettes rondes, en écaille, des costumes bleu nuit sur des chemises blanches, et fumait des Gitanes.

Le TGM est un train de banlieue dont les wagons sont de ceux que formaient les métros à Paris. Il y en avait des verts, deuxième classe, et des rouges, première classe. Jamais personne d’ailleurs n’a acheté des billets de première classe, ça ne devait pas exister je suppose. TGM, c’est pour Tunis, la Goulette, la Marsa. Ce petit train donc quitte Tunis, non loin du garage Robert, traverse la lagune jusqu’à la Goulette, puis oblique au nord pour joindre la Marsa à une vingtaine de kilomètres. Sur ce chemin, entre la Goulette, c’est là où mon père est né, et la Marsa, se trouvent Kérédine, le Kram et Carthage. A Carthage, le TGM passe sur un pont qui enjambe l’avenue du Théâtre Romain, qui elle va à la plage. Mes parents habitaient là, en amont du pont, là où l’avenue descend et rejoint le croisement où on trouve une station service BP. Entre la maison et l’avenue donc passait le TGM, sur ce pont, une arcade de pierre, l’avenue, des wagons verts et le rouge. Ma mère conduisait alors une Quatre Chevaux, une petite voiture Renault (en ce temps-là, mes parents étaient assez Renault, mon père ensuite préféra Peugeot), mais alors c’était la Quatre Chevaux, avant la Dauphine, rouge. La Quatre Chevaux devait être beige, dans mon souvenir. Les portes avant s’ouvraient bizarrement, et entre les sièges avant, il y avait le frein à main. Il y avait donc l’avenue qui descendait vers le pont, la Quatre Chevaux garée devant la maison et ma mère qui s’en alla chercher quelque chose. Je ne sais plus quoi, mais elle ne serra pas suffisamment le frein à main. Ou du moins, à mon sens. J’étais devant cette petite voiture, la Quatre Chevaux était une petite voiture qui avait un air sympathique, les portes avant s’ouvrant bizarrement et oui, voilà le frein à main qu’il faudrait tout de même serrer un peu plus. J’avais cinq ans, peut-être. C’était le type de frein à main qui, lorsque vous tirez dessus, se désenclenche, un petit bouton à son bout permet de le maintenir serré, mais cela je ne le savais pas. J’ai tiré sur le frein, afin de le serrer un peu plus, vu qu’il ne l’était pas suffisamment. Tant pis, il se désenclencha. Et là, ce fut comme au cinéma. La Quatre Chevaux se mit à descendre doucement la pente. Les portes qui s’ouvraient bizarrement me forçaient à suivre le mouvement, et la voiture descendait toujours l’avenue. Au bout, la plage. Au milieu, le pont. Sur le pont, le TGM. C’était un après midi, il faisait beau, rien d’exceptionnel, la Quatre Chevaux, sur les petits cailloux du bas côté, roulait tranquillement, au fond pas si vite, je ne courrais pas vraiment, mais le pont se rapprochait, le frein à main si loin, ma main droite sur le volant oui, le pont, la pile, le TGM… et l’aile avant droite de la Quatre Chevaux beige, froissée contre cette pile de pierre, dans un grand bruit…

Maryse Hache

1.avenue Felix Faure

1.1 avenue Félix-Faure chez madame Debossu

jardin d’enfants, trottoir en face du 48, un peu plus loin, en allant vers le boulevard Victor / petit groupe de bambins jouant au sable avec panoplie ad hoc : seau, pelle, rateau, passoire / confection rituelle de châteaux et de haute importance_comme s’il en allait de leur vie et qu’il savaient déjà que nous sommes poussière etc. / petit va et vient entre tas de sable et châteaux alentour / on entendait des voix crier avec une modulation qui veut du sa ble fin / ainsi déjà certains comptaient sur le désir des autres d’avoir le produit convoité sans l’avoir fabriqué eux-mêmes_avec leur passoire_et ceux-là avaient raison ; il en était toujours pour répondre moi ; ils en voulaient / c’est ainsi qu’un seau fut retourné au-dessus d’un château presque achevé et qu’un sable_comble de l’horreur, et ce fut un drame_et qu’un sable grossier se déversa sur le château, détruisant pour toujours la pureté et la belle harmonie de la finesse de la matière qui le constituait jusqu’à ce geste destructeur / c’est ainsi que l’enfant de quatre à cinq ans découvrit le mensonge et que la parole pouvait dire ce qui n’est pas

1.2 avenue Félix Faure chez Piault

pharmacien, face au 48, le 45 / c’est là qu’un jour sa mère, peu courageuse ordinaire, après avoir descendu l’étage de l’immeuble et traversé la rue_pas dans les clous comme on avait dit qu’il fallait_et appuie bien sur la coupure_ déboula / la blouse blanche et l’homme qui était dedans demanda de tremper le doigt dans un petit bol rempli de liquide_de l’eau_ce qui fut fait / or ce liquide inerte et sans surprise en avait une en réserve / au moment ou elle y trempa son doigt, et la coupure qui saignait, l’eau soudain devint mousseuse / plus tard elle sut que l’eau était oxygénée, qu’elle avait assisté à sa première leçon de chimie et à une réaction de la dite

1.3 avenue Félix Faure chez Poitreneau

c’était preuve qu’on avait grandi : avoir la permission de descendre l’étage, suivre le trottoir à droite et cinq boutiques plus loin entrer chez le marchand de légumes, lui demander haut et fort_n’oublie pas bonjour monsieur, s’il vous plaît monsieur, merci monsieur, au revoir monsieur_lui demander tout haut une livre de poireaux, poireaux qu’il enveloppait dans du journal, les déposer dans le dit sac à commissions, payer en comptant bien pour savoir combien il allait rendre comme monnaie, et refaire le trajet en sens inverse, fière d’avoir réussi toutes les étapes / on avait repoussé, en longeant cinq immeubles d’une rue parisienne du quinzième arrondissement, la limite du monde

1.4 avenue Félix Faure chez Taral

si le grand père l’avait demandé je te fais confiance ma p’tite fille, on entrait dans le bureau de tabac-café, à quelques pas de la maison, à l’angle de la rue de la convention et de l’avenue felix-faure, acheter 1 des gauloises bleues sans filtre 2 des petites ampoules en verre transparent laissant voir un liquide bleu pâle_il disait des ampoules d’essence_et 3 une boîte de cachou lajaunie

1.5 avenue Félix-Faure le cheval

il trottait sur les pavés de cette avenue, tôt le matin, très tôt, ses sabots claquaient pendant un petit moment puis s’arrêtait / il apportait du lait frais à la crémière, au coin de la rue Houdart de la Motte / quand on venait lui en acheter elle plongeait une grande mesure grise en aluminium dans le beau liquide blanc et le faisait couler dans un pot à lait qu’on apportait vide / le cheval faisait aussi entendre son pas_et là on pouvait voir son grand corps de bête en pleine ville, par la fenêtre, il était plus tard_lorsqu’il livrait des grands pains de glace ; on appelait le lieu d’où il venait les glacières / le temps des réfrigérateurs viendrait un peu plus tard

2.rue de Lourmel

l’école religieuse des filles

3.rue Lacordaire

l’école laïque des filles

2.3 rue de Lourmel rue Lacordaire

Lorsqu’on était dans l’une on pouvait voir la cour de récréation de l’autre par-dessus le mur / deux mondes séparés par le mur /

4.boulevard Victor

le dimanche on allait, en tenant la main des parents, jusqu’à ce boulevard, près duquel poussaient des herbes qu’ils disaient folles sur des terrains qu’ils disaient vagues /on sentait que cela avait à voir avec quelque chose d’indéfinissable, excepté son côté dangereux et défendu sauf accompagnées des grands / le dimanche on allait tout près du bout du monde

5.la rue Brézin

le quatorzième arrondissement c’était pour le jeudi / les autres jours de la semaine, dans le quinzième, les petites_montées sur le petit balcon à cette occasion, remuant leur main en signe d’aurevoir, quand avant de tourner avec son scooter au coin de la rue houdart de la motte et de la rue de plélo, il tournait la tête dans leur direction_savaient qu’il y partait travailler / le jeudi donc accompagnées de leur mère, elles prenaient le 62 et allaient voir le travailleur dans sa boutique / on allait au magasin, on avait le droit de passer derrière les comptoirs et même de s’asseoir à la caisse sur les genoux de celle qui rendait la monnaie / c’était une ancienne boutique de marchand de couleurs, devenue après la guerre Les arts et les techniques en ce temps-là, avenue felix-faure, avenue de la convention, rue brézin, avenue du général leclerc _autrefois avenue d’orléans avant l’entrée du dit général dans paris libéré_rue houdart de la motte, avenue du maine, les grands appelaient les petites bout d’zan

Anne Savelli

1. Rue de la Croix-Nivert, rue du Colonel Oudot, Paris

Nous avons tant déménagé, dans ma petite enfance, tous les trimestres presque, que les noms de rues se confondent, que je ne sais plus si j’avais six mois ou trois ans rue de la Croix-Nivert, rue du Colonel Oudot. Sous-locations, vie de Bohème disait l’entourage, qui ne la vivait pas.

2. Rue Poulet, Paris

La rue Poulet est située au métro Château-Rouge, entre Barbès et la Goutte d’Or, entre Montmartre et la ligne aérienne. Nous habitions au 13. Je croyais à l’époque qu’après le sommet d’une rue en pente, le monde s’arrêtait. J’appelais l’espace de cette chute le néant. J’aimais ce mot, néant. Un samedi midi, surprise : descendons du néant pour nous rendre dans un cinéma – et c’est Blanche-Neige, et sa forêt.

3. Rue du Coton-Rouge, Aix-en-Provence

Nous vivions en périphérie d’Aix, dans une zone à demi-sauvage près de l’autoroute, qu’il fallait longer pour se rendre à l’école, avant de la traverser en empruntant un très grand pont (j’allais mourir, chaque fois) (les vibrations, surtout, la peur que ça s’écroule). Sur le chemin, un cimetière de voitures, une maison abandonnée, dans lesquels je rêvais d’entrer.

4. Rue de la Procession, Saint-Germain-en-Laye

Il s’agit d’une toute petite rue, étroite et sombre, en centre-ville, entre la rue des Ecuyers et la place du marché. Nous vivions au dernier étage, face à l’école. Par la fenêtre, je pouvais me pencher vers ma salle de classe. J’élevais un pigeon, je lisais de la poésie.

5. Rue du Talus du Cours, Saint-Mandé

Près du périphérique, notre appartement en était coupé par une immense barre d’immeubles, théâtre tranquille et sans heurt, loin des boutiques bourgeoises, du château de Vincennes.
Elle s’arrête devant le primeur (inachevé...)

Noms de Nantes

Pierre Baldini

Rue de la Rédemption

Nir David

Israël été 1977 (17 ans). Quelques errements adolescents l’emmenaient passer deux mois et demi au vert au Kibboutz Nir David prés d’Afula, proche de David.

L’objectif paternel était que ce garçon retrouve les vrais valeurs, celle du travail, de la communauté , de la solidarité . Huit cent kibboutzim d’Europe central, usine, agriculture, pisciculture, étang magnifique, palmeraie et hibiscus.

Les nouveaux arrivants de 15 à 24 ans se nommés les volontaires (ce qui n’était pas mon cas).

Juifs d’Europe centrale, de 0 à 80 ans, rescapés pour certains des camps.

Dix jours d’attente, à ne rien faire, rencontrer d’autres européens, des éthiopiens (les felachas). Beaucoup d’échanges avec les volontaires, apprendre l’hébreu ? On verra plus tard. L’anglais suffira pour le moment. Rencontre amoureuse, passion éphémère, ennui.

Observation

Aucun Kibboutzim ne dit bonjour même à la salle à manger au moment du repas. Cet adolescent est transparent. Peut-être que personne ne parle le français ?

Aucun égard pour ce frêle garçon déraciné, esseulé.

Il mange seul parmi deux cent cinquante convives, il pose son plateau sur la table, tout est bien organisé.

Il y a même un conseil de la communauté qui se réunit le soir parfois.

Au bout de cette longue période, on lui dit qu’il travaillera le lendemain matin à 5 heures.

Joie mêlé d’appréhension, mais je ne sais rien faire dit-il !

5 heure du matin jusqu’à 11 heures car après pour toi, il fera trop chaud. Tu ramasseras des pierres dans un champs (avec d’autres heureusement !) et tu l’ai mettra dans la remorque du tracteur.

Après ce travail, nous pourrons cultiver ce terrain.

Nuit agitée, 40° pas de sommeil.

Cinq heure du matin, il fait encore nuit, il fait presque jour...

Les pierres toujours les pierres.

7h30 pause petit-déjeuner, plutôt repas complet (œufs brouille, saucisse, concombre à la crème, charcuterie). Il prend son plateau, le remplit et s’assoit seul à une table.

A partir de ce moment là, de nombreuse personnes les unes après les autres ,lui ont souhaité la bienvenue au Kibboutz. Est ce que le travail s’était bien passé ? Tout cela dans sa langue maternelle parfaitement maitrisée.

Des personnes âgées surtout, regard rieur et plein d’humanité, numérotées parfois.

Bienvenue à Nir David, toi qui est des nôtres.

Rue Florain, Valence

Il fait beau ce jour là. Je prends le vélo de course à mon grand frère, je prends la rue Florian, je vais vite, je suis grisée par le vent, j’arrive à toute Berzingue.

Au stop, je freine avec le frein avant (on ne m’avait rien dit).

Vol plané du cycliste, suivit de très prêt du vélo.

Surprise et étonnement, ce jour, dans la rue Florian à Valence dans la Drôme.

Album ville

Pierre Baldini

Banc de pierre, banc de bois, quand tu me tiens plus rien ne va.

Square des rendez-vous, pas de nom, évidence, on se retrouve à 15 heures.

15 heures, à l’heure tapante, l’on se retrouve sur ce banc. Voiture, promeneur plus rien ne compte : Les oiseaux, les fleurs, le soleil et le décor est planté.

Banc, arrière Banc de bois, tu bois je bois, la ville parsemée de ces lieux de rendez-vous.

Le bruit, les cris, rien ne va mais les bancs sont toujours là, à droite, à gauche, en haut, en bas, ils sont toujours là.

Banderille, bang bang, mélodie de l’adolescence.

Bonjour comment vas-tu ?

Je t’embrasse, tu m’embrasse sur ce banc.

Hors du temps, hors les murs, dans la ville au banc de la société.

Panneau

Fille et garçon, pas d’école mixte à cette époque sauf sur le chemin de la cantine.

Il fait beau côte à côte , en rang par deux, une fille, un garçon. Pas tranquille et pas comptés en cadence. Le repas arrive, presque la main dans la main sur ce chemin de la cantine.

7 ou 8 ans pas plus, sur ce trottoir, la tête dans le ciel, poteau de signalisation dans la tête, pas de petits oiseau, bosse sur le front, moqueries. Une main me relève. Mon appétit est de plus en plus grand.

Panneau de signalisation, attention BO BO.

Ville-enfance

Trottoir- tiroir

Rideau fermé-Vol plané

Square- comptoir

Lampadaire-Plein air

Pont-carton

Avenue-hurluberlu

Gare-Pénard

Bus-Bonus

Métro-dodo

Taxi-Hé oui

À la ville comme à la maison dans des chaussons.

Noms de Nantes

Sarah Melcion

Rue du tapis-vert, école maternelle, Nancy

J’allais à l’école une ou deux rue plus loin et je me sentais souvent perdue dans le quartier. Heureusement, ma mère m’y emmenait et me rassurait en nommant la rue où nous habitions.

Je me répétais ce nom, sans cesse, comme s’il était une partie de mon identité.

La mairie de Melay

Tout en haut de la Grand rue, c’était aussi la rue principale du village, et la dernière maison de ce côté là. Nous y habitions. Pour la cérémonie du 11 novembre, nous dûment apprendre la Marseillaise, ce fut un grand combat avec ma mère, institutrice, et nous fûmes obligés de la chanter, avec les autres enfants de l’école, devant le monument aux morts et tout le village. Mon frère, au premier rang, celui des petits, en pissa dans son pantalon. Nous fûmes applaudis, cependant.

Album ville

Quai, place, porte. La porte bleue dans une rue sombre, presque fraîche. Au bout, ébloui par le soleil, chaleur de l’été, ouverture. Le quai, la plage, la mer. Luminosité intense, bruit, la foule. Je m’agrippe à ma mère, nous descendons sur la plage. J’ai chaud, je joue. Je vais dans l’eau, je suis dans le sable, j’invente des histoires. Longtemps. Je me retourne, j’ai soif, mais je ne trouve plus personne. Trop de monde autour de moi. Je cherche, je panique. Où sont-ils ? Ils m’ont oubliés, sont partis ? Je coure, je cherche, non, personne. Je remonte les escaliers, je cours dans la rue, je cherche la porte bleue. Elle est fermée. Personne. Je pleure. Je retourne à la plage, soudain, ma mère est là, à nouveau.


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