Cet atelier figure dans l’ouvrage Comment écrire au quotidien : 365 ateliers d’écriture, édité chez Publie.net en version numérique et imprimée : 456 pages, 24€ / 5,99€.
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Proposition d’écriture :
Écrire de courts poèmes sous la forme d’un photo-reportage. Le regard nourrit l’écriture. Des flashes, des captures, des arrêts sur images. Faire voyager à travers des visions du monde entier et donner à percevoir la rumeur du monde.
Rumeur du monde : clarté d’espace, Annie Salager, L’Act Mem, 2007.
Présentation du texte :
Donner à percevoir en 2007 la Rumeur du monde, ce pourrait être pour Annie Salager une manière de se répéter, tant cet écho de l’universel traverse depuis des années sa poésie. Mais c’est plutôt une fidélité à soi-même, une saisie qui ne se relâche pas, s’amplifie peut-être. Plus élevé que jamais, plus que jamais doué d’ubiquité, le regard nourrit l’écriture. De fait, le lecteur voyage à travers des visions, de Moscou au Népal, entre « strates de banlieue » et « hauts ateliers de la Croix-Rousse. » Les photos reportages du premier chapitre donnent le ton de l’ensemble, leurs flashes marquent l’envol. Liée à « l’humain / qui mourrait s’il savait mesurer sa souffrance », Annie Salager l’est d’une manière singulière. Elle l’est sur les ailes d’un chant qui traverse l’espace. Elle est avec les femmes en Afrique « qui taisent leurs pensées », elle est avec Zhang, avec le paumé des bords de Seine, avec le « berger accroupi » ou l’homme qui pédale et « revoit sous la clameur des mitraillettes / père mère sœurs grand-père désarticulés dans le ciel »
Extrait :
« I
Une neige plus noire que les dents fond dans les bouches serait-ce parce que le fuel n’arrive plus cette année
à Moscou on est tellement occupés
on a déjà marchandé les bottes de fourrure et les peaux
le vent a dévoré les feuilles de bouleaux
il faut dégeler devant les portes les draps de ciel raidis
où les taches vont s’effaçant du bref été sibérien
un peu plus loin les sous-marins atomiques
rouillent dans l’imaginaire des longues veillées
pendant que les gens regardent en papillotant
les villes-lumière dans les volutes du tabac à la télévision
II
Sur ses genoux elle le masse lui insuffle
la pression des rivières avec la terre et le vent
la vigueur des montagnes elle l’oint
de vie avec les rythmes du cosmos
ses mains donnent au tout-petit les énergies
qui vont le préserver du froid des maladies
et qui sait même du mal de solitude
mollets fesses dos luisent de graisse et de plaisir
et quand la mère sourit au passant qui s’attarde
l’air juteux se gonfle d’un parfum d’oranger
même si ce n’est pas un arbre spécialement népalais
III
La femme remonte une calebasse d’eau pour la journée
autour du puits le sable absorbe les gouttes gaspillées
la maman pluie qui la ramènera ? ceux qui violent et envoient
sans pitié aux ancêtres ont brûlé le village et le mil
la femme près du puits les connaît
ce riz n’est pas pour vous foutez le camp d’ici !
– Voisine tu dormais paresseuse ? C’est bien temps de venir au puits !
– Il a mal au ventre mon dernier honte sur moi mon lait est sec
– Allons bois vite l’eau qui donne le lait je n’ai pas soif
Elles taisent leurs pensées et regardent longtemps
le cerne des collines embuées de matin qui vient d’éclater en chaleur »
Présentation de l’auteur :
Annie Salager, poétesse lyonnaise, est l’auteur d’une œuvre abondante et de haute tenue, ouverte par une publication chez Henneuse, La Nuit introuvable, et chez Pierre Seghers, Histoire pour le jour.
Au total, plus de vingt livres et recueils, dont Figures du temps sur une eau courante (Belfont), Terra Nostra (Le Cherche-Midi), Chants (Comp’Act), Marie de Montpellier, roman (Presses du Languedoc).
Dans cette œuvre singulière et discrète, une dizaine de livres d’artistes, enrichis de gravures originales de Paul Hickin, Marc Pessin, Michel Roncerin ou Maxime Préaud.
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