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Séance 232

Cet atelier figure dans l’ouvrage Comment écrire au quotidien : 365 ateliers d’écriture, édité chez Publie.net en version numérique et imprimée : 456 pages, 24€ / 5,99€.

Vous pouvez commander ce livre directement sur la boutique de Publie.net (une manière de soutenir la maison d’édition et ses auteurs) ou en ligne (Amazon Place des libraires, etc.) — et bien évidemment chez votre libraire en lui indiquant l’ISBN 978-2-37177-534-3, distribution Hachette Livre.

Proposition d’écriture :

« Écrire sur, à propos d’un mouvement, mais après coup, longtemps après. Car il y a une incapacité foncière de l’écriture à se saisir des choses dans leur mouvement, dans le temps où elles surviennent. Une histoire sans commencement ni fin, dont chaque moment est placé sous l’emprise de ce qui déborde et à chaque instant menace ruine. Battre dans le rappel des circonstances dans lesquelles quelqu’un fut hors de soi.  »

Serge Velay

Progrès en écriture assez lents, Serge Velay, Éditions Jacques Brémond, 2002.

Présentation du texte :

« Je dresse une barricade de textes, de mots taillés dont j’aiguise le tranchant comme des lames. Mes phrases, je les lance comme des cocktails Molotov. »

Ce recueil de textes Progrès en écriture assez lents, de Serge Velay, nous présente un très bel ensemble de textes aux thèmes en apparence très distincts, voire sans lien : les olives, le père de l’auteur ou Mai 68. Ce qui tisse ensemble ces bribes de textes est la langue de Serge Velay, qui scrute, au travers d’une prose réflexive, ce qui, dans l’époque d’aujourd’hui où prévaut la destruction, perdure d’une vie passée où reprendre souffle. Un travail qui reprend selon lui « des procédures dilatoires, des détours et des biais, pour traiter mon sujet comme sans y toucher. Mon parti pris n’est somme toute pas très différent de la manière ironique dont procède mon modèle. Toute pensée sûre d’elle-même est violente. »

« Ces fragments ne sont pas destinés à rester des moments de repli sur soi, ils sont susceptibles de s’ouvrir, sinon d’éclater, au contact de physionomies verbales et mentales étrangères. »

« Quels mots, quelle formule pourrait qualifier cet événement, restituer ce qu’il fut et élucider ce en quoi il consista ? Une impatience. Une exigence. Un pur élan. Un refus. Un mouvement souverain. Une surprise émerveillée. Un état d’ébullition. »

Extraits :

« Dans la langue des typographes, vignette ou cul-de-lampe désigne les petits signes ou les ornements destinés à séparer les parties d’un texte. Un astérisque ou trois astérisques disposés en triangle centré creusent un abîme de blanc au-dessus duquel les phrases se tiennent en suspension. A l’attaque d’un paragraphe ou d’un fragment, on signale la fulgurance, et la discontinuité réelle ou feinte du texte, à l’aide d’une puce typographique.

Je nomme olives ces figures par référence à la dureté du noyau, mais aussi parce que les fruits mûris sur les plus hautes branches sont réputés garder le souvenir des vertiges anciens. »

Éloge de l’olive

« Au printemps de 1968, quelqu’un écrivit sur les murs de la Sorbonne : " J’ai quelque chose à dire mais je ne sais pas quoi. " Je fais miens, aujourd’hui, ce désir et cette impossibilité de dire. Parce que j’aurai à montrer pourquoi les journées de Mai furent un événement dont on ne revient pas, je ne peux préjuger du tour que prendra mon témoignage.

*

Je ne prête pas à mon propos une autre légitimité que le tumulte qui m’assaille et l’oubli qui menace. Si je prends la parole, c’est aussi pour rappeler que, dans ces circonstances particulières, la langue fit défaut, qu’elle se révéla impropre à dire ce qui survint dans une clarté et une obscurité absolues, et donc douloureuses. " Ce qui s’est passé en Mai 68, note Jean-Paul Dollé, était inattendu, intempestif comme dirait Nietzsche, et par conséquent ne trouva pas ses mots pour se dire dans son inouïe nouveauté. " Ayant résolu de conjoindre les images et les pensées qui me harcèlent pour tenter d’élucider cette inconvenance, j’ai donc entrepris un voyage dont le retour n’est pas sûr. Je remonte le courant comme un voyageur que le courant emporte. Déjà, je parle de loin.

*

Je me souviens d’un jeune homme - d’un homme encore adossé à l’enfance - dont la parole, soudain portée par un défi insolent, se confondit un moment avec la vérité de la parole commune.

*

La veille, jusque tard dans la nuit, des hommes en armes avaient chargé des enfants désarmés. " Halte à la répression ! Libérez nos camarades ! " Maintenant les rues déversaient sur les avenues et sur les places une foule anonyme et sans nombre qu’on aurait dit mue par la fièvre et par une mystérieuse force d’attraction. Un même haut-le-cœur, un impérieux sentiment d’offuscation et la nécessité pour chacun de se porter à la rencontre de tous, les avaient précipités dehors, et ils s’étaient rassemblés. C’était comme une mer d’où montaient des cris et des rumeurs mêlés au bruit sourd d’un piétinement.

*

J’évoque le souvenir d’un saut hors de soi, hors de la vie mutilée, abaissée, mortifiée, hors de la vie personnelle. Et ce saut fut un bond de joie. La vie soudain s’illuminait. D’un bond, d’un seul bond on était arrivé au but. »

L’intempestif (Carnets) : Suite de Mai

Progrès en écriture assez lents, Serge Velay, Éditions Jacques Brémond, 2002.

Présentation de l’auteur :

Serge Velay est né en 1948, à Nîmes. Il est notamment l’auteur de nombreux ouvrages. Le Gypaète barbu (Jacqueline Chambon, 2004), Progrès en écriture assez lents (Jacques Brémond, 2002), La Vallée des Voix (Jacqueline Chambon, 1991), Chant premier (Babel, 1991) et René Char (La Manufacture, 1987).

Liens :

Quelques photos de l´auteur par Didier Leclerc

Suite de mai, un texte de Serge Velay sur le site de Revue des Ressources


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