Cet atelier figure dans l’ouvrage Comment écrire au quotidien : 365 ateliers d’écriture, édité chez Publie.net en version numérique et imprimée : 456 pages, 24€ / 5,99€.
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Proposition d’écriture :
Revenir sur un fait divers ancien, à travers le récit d’un enfant, narrateur de sa propre histoire, qui prend pour toile de fond sa soi-disant fiction. Se raconter ainsi en déroulant la bobine du film à l’envers, et à travers l’oralité réinventée de sa langue juvénile.
Le soi-disant, Yves Pagès, Editions Verticales, 2008.
Présentation du texte :
« Ce mardi 6 février 1973, vers 19 heures 15, pendant que ma sœur était censée travailler ses gammes au Conservatoire, je voulais juste disparaître, en chien de fusil sur l’édredon, mais comme dans l’appartement, il n’y avait personne pour confirmer que j’étais chez moi, alors personne n’a voulu croire à mon alibi et on m’a soupçonné d’avoir brouillé les pistes exprès, parce que vingt minutes de solitude, à ce stade de l’enquête, c’était juste un trou noir dans mon emploi du temps et, à onze ans moins des poussières, ma parole contre la leur, ça comptait pour presque rien. »
Après Le Théoriste, et son jeune narrateur cobaye à son insu d’une expérience de laboratoire, Yves Pagès revient sur le territoire de l’enfance dans la peau de Romain, un petit fugueur halluciné. Et c’est dans l’oralité réinventée d’une langue juvénile, les images volées aux films cultes de l’époque ou les voix off d’un certain esprit contestataire, qu’il puise des trésors d’imagination, d’humour et de naïveté poignante, pour déjouer les leurres du « soi-disant » principe de réalité.
Extrait :
« J’avais onze ans moins des poussières et aucun goût pour m’enfermer à livre ouvert, ni la patience après sept heures de tableau noir au collège. Même les bulles des bandes dessinées, je préférais ne pas m’y attarder, m’en sortir sans, et sauter les sous-titres aussi, en bas de l’écran, quand les films parlaient en version très originale. Rien que les images c’était suffisant, ça s’expliquait tout seul, contrairement à Marianne, qui cloîtrait ses heures creuses dans sa chambre à part, droit d’aînesse oblige, prière de ne pas déranger, silence on tourne les pages, pendant qu’elle se mettait en veilleuse sous les draps pour dévorer en douce sa bibliothèque rose, puis verte, puis dorée sur tranche jusqu’à mi-chemin d’insomnie.
Ce mardi 6 février 1973, vers 19 heures 15, pendant que ma sœur était censée travailler ses gammes au Conservatoire, moi, j’étais tout bêtement sur mon lit, plongé dans un bouquin de haute philosophie, studieux comme jamais. Si bizarre que ça puisse paraître, je déchiffrais un grand classique d’un autre âge, sans y piger grand-chose mais sans oser m’arrêter non plus, une ligne sur deux ou trois, du bout des yeux, au kilomètre, juste pour avoir l’air innocent, le plus absent possible, parce que j’avais peur de ce qui risquait d’arriver, l’engueulade qui m’attendait à coup sûr dès que ma sœur serait rentrée. Je voulais juste disparaître, en chien de fusil sur l’édredon, qu’on m’oublie définitivement, mais comme, vers 19 heures 15, dans l’appartement, il n’y avait personne pour confirmer que j’étais chez moi, en train de me cultiver, alors personne n’a voulu croire à mon alibi et on m’a soupçonné d’avoir brouillé les pistes exprès. Ensuite, c’est vite devenu impossible de démontrer le contraire, parce que vingt minutes de solitude, à ce stade de l’enquête, c’était juste un trou dans mon emploi du temps et, faute de témoin, à onze ans moins des poussières, ma parole contre la leur, ça comptait pour presque rien. »
Le soi-disant, Yves Pagès, Editions Verticales, 2008, pp. 13-14.
Présentation de l’auteur :
Yves Pagès est né en 1963 à Paris. Auteur d’un essai aux éditions du Seuil, Les Fictions du politique chez L.-F. Céline (1994), il a publié six romans dont Les Gauchers (Julliard, 1993, Points Seuil 2005), et aux Éditions Verticales, Prières d’exhumer (1997), Petites natures mortes au travail (2000 ; Folio 2007), Le Théoriste (2001, « Points » Seuil 2003, Prix Wepler-Fondation La Poste 2001) et, dans la collection « Minimales », Portraits crachés (2003). Son nouveau roman, Le soi-disant, est paru en janvier 2008.
Yves Pagès travaille avec Bernard Wallet et Jeanne Guyon aux Éditions Verticales.
Liens :
Présentation du livre d’Yves Pagès sur le site des éditions Verticales