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Comment écrire au quotidien : 365 ateliers d’écriture

À l’occasion de l’édition de Comment écrire au quotidien : 365 ateliers d’écriture, par Publie.net, que j’ai présenté également sur Liminaire, la Librairie Dialogues à Brest m’a invité en résidence numérique sur son blog, afin d’en diffuser des extraits et présenter mon travail lors d’une rencontre avec le public.

À l’occasion de cette rencontre chez Dialogues Gaëlle Malgorn m’a interviewé pour les sites de la ville de Brest. Je vous invite également à découvrir l’entretien vidéo réalisé à la Librairie Dialogues.

Le jeudi 10 février 2011, j’ai mené deux ateliers d’écriture à la librairie. Ces ateliers d’écriture se sont déroulés en deux temps : une séance le matin, de 10h30 à 12h30, une séance en soirée, de 17h30 à 19h30. 15 personnes ont participé à la première séance et plus de 30 à la deuxième. J’ai été très sensible à l’enthousiasme, à la participation, aux échanges et la générosité des textes écrits lors de ces deux séances.

Atelier n°1

Poème express : biffer le maximum de mots, de lignes, d’une page arrachée d’un roman d’amour idiot ou d’un roman policier idiot, jusqu’à arriver à une combinaison satisfaisante pour l’esprit ; une autre façon de briser les lignes d’association…

Coupe Carotte, Lucien Suel, éditions Derrière la Salle de Bain, 2002.

Paulo Rodrigues

Le Cherche Bonheur

Les choses se sont dégradées, dégagée cette maison. Blanc, Noir. Aux toilettes, le moment d’exil, la disparition. La plupart, hormis certains, s’effacent page après page. L’on pleure, jeunesse, verres, fesses, d’une servitude comme l’argent, un quartier déshérité a été un crève-cœur. Harmonie, toujours considérée par des tyrans, Des scènes, frère, foyer, réflexion, mariage, maladie, argent. Point. ----

Clara C.

Bel Ami

Il m’indiqua la rue et le numéro, en ayant soin de stipuler « vous laisserez le tout chez le concierge ». Interloquée, je regardais cet homme rencontré par hasard quelques heures auparavant. Nous avions voyagé dans le même wagon.Assis côte à côte, nous avions conversé sur tout et sur rien. La pendule sonna trois heures. Et ma partie de chat perché ? Le cœur plein d’espoir, je pensais à mon jeu favori. Chat perché, loup y es-tu, un, deux, trois, sautons à la marelle, quand le chat n’est pas là, les souris dansent. Libre, je l’étais l’espace de quelques instants. Alors, je le suivis dans cette chambre. Sans crainte mais avec un sentiment troublant et excitant qui me collait à la peau. J’allais partager des délices interdits avec un inconnu.


Matthieu Gousseff

Le plombier Kidnappé

Je ne descend jamais sous un sol en ciment. Ils avaient prélevé le sol, les murs, les briques sur la pelouse. Une forte odeur de gaz, couronnée de succès. Heureux directeur de banque anglais, gravé à mes initiales. Le charbon a presque fondu en larmes. Il ne descend jamais dans les caves. Il y a une histoire derrière ça. Anthracite. Pas une histoire de vinaigre de framboise, modeste et domestique. Naturellement longue et éprouvante. Lointaine. Psychologique. Une raison ? Rien.


Claude Peron

Le démon et mademoiselle Prym

la bonté, elle n’existe pas

après trois nuits d’insomnie et de compétition inutile au bar, les deux femmes, craignant Dieu, résignées, pauvres d’esprit, ignorantes et naïves, se résolurent, malgré le service rendu à l’implorer de les délivrer du mal par lâcheté, elles raconteraient l’histoire de l’étranger à la police


Solenn Lecloarec

Rien ne va plus

La fille de sa mère, La fille de son père, L’œuvre de Dieu, la part du diable, Rien ne va plus, Tout bouge autour de moi Dis lui, J’aime pas les autres, Ils ne sont pas comme nous, Enfermez moi sous le carrelage, Forteresse de solitude, La poursuite du bonheur, Une relation dangereuse.


Anne Le Bris-Quiniou

Cendrillon à Hollywood

Sunset Boulevard, en jogging blanc, allègrement, je déballais mes cartons. A la porte, quelqu’un a sonné. Des personnages lunatiques m’ont sommé De baisser le volume de mes chants balinais. La voix chevrotante, je les ai toisés. ---- Antoinette Masse

Le Club des tricoteuses du 3ème âge

Les mots semblent méchants Une machine à remonter le temps Recoller les morceaux Identifier la pièce cassée Lors du divorce Douté de rien Dans un restaurant indien Plusieurs plats ----

Atelier n°2

Puiser dans le nom des rues, des quartiers du lieu où l’on a passé sa jeunesse, matière à écrire de courts textes autobiographiques, fragments de vie, biographie familiale, les lieux fonctionnant comme théâtre de la mémoire.

Noms de Nantes, Jacques-François Piquet, Joca Seria, 2002.

Paulo Rodrigues

Rue de la Rép

Rue de la République, de Gambetta à Richelieu, en passant par Victor Hugo,
un véritable couloir du temps. Sur le feu rouge à l’angle de l’écrivain qui s’est battue pour elle, un autocollant élimé où l’on peut lire : "Bérest pour Brest". L’ancien maire y a vécu, il y est mort aussi. Avec son petit fils, oh combien de forfaits mémorables nous avons commis, au 36 de la rue de la République. Nous avons été à son école... comment cela, laquelle ? me demandez-vous. Mais celle-ci même du nom de cette même rue, du nom même de ce régime, à Brest-même. Plus tard nous passions à Sanquer, en face de l’Immaculé Conception avec qui nous étions en guerre. à la sortie, nul besoin d’aller bien loin pour dépenser notre butin. Nous sommes passés des Mister Freeze de la "Corbeille de Fruit" aux premières Marlbo’ du "Victor Hugo", en passant par les vignettes Panini du "Presse" dont on voit encore l’enseigne "Télégramme" qui ne s’allume plus, détail d’une époque révolue. De tous ces commerces qui peuplaient la rue, (et dont certains noms m’échappent), il ne reste que des appartements rénovés en Rez-de-chaussée...
Plus de Salon de coiffure Norbert, plus de poissonnerie, plus de boulangerie, plus d’épicerie ; adieux "Finette", plus de "Tamaris" ; adieux poivrot, et je n’ai plus d’"Amis" de "Huit à Huit". Ah ! oui ! J’oubliais ! le Corpus, bar privé, qui a remplacé ce café à l’enseigne néon représentant un verre à cocktail, où l’on savourait l’emblématique grenadine des années 80. Ne restent que les immeubles aux balcons de fer forgé, et aux planchers qui craquent, immuables gorilles aux larges épaules des quelques maisons bourgeoises qui subsistent dans cette rue devenue populaire. Sur le Boulevard Gambetta, je marche sur le muret, les trains arrivent, il bruine toujours autant, et je joue avec l’équilibre du vent. Qui n’a jamais été stoppé net par le vent en remontant Gambetta, ne connaît pas la force des éléments.
Gambetta est un balcon sur l’océan, bénéficiant d’une vue imprenable sur le Port de Commerce. Entre les 2, la ligne de chemin de fer. Je continue sur mon muret, entreprend d’enjamber les rails sur la passerelle. À côté de l’écriteau "Danger de Mort", je m’arrête, il est vrai que le TGV qui passe sous mes pieds ressemble à un cercueil, me dis-je.


Clara C.

La liberté en poche

Rue principale du village S***** : ma mère tourne à droite et gare sa 2CV dans la cour de l’école. Comme tous les matins, elle nous y accompagne. S***** : un bled paumé de 2500 âmes flanqué d’une douzaine de cafés. L’enfance et son goût de carambar, les lèvres rougies et collantes par les fraises Tagada. Ceux de l’école publique passaient près de nous. Réciprocité de regards noirs ou moqueurs car nous étions à l’école privée. Le soir, nous l’attendions près d’un muret en bas de l’école. Le muret semblait rapetisser tandis que je gagnais en centimètres. D’une année sur l’autre, je portais la blouse usée aux coudes de ma sœur. Des changements de classe. Indolores. Au rythme immuable des visites le week-end à la famille. Endimanchée, je me montrais souvent timide. Je ne savais pas encore que la naïveté de l’enfance permettait de se protéger et de vivre dans une bulle.

Rue de L’Eglise, G*****. Mon entrée au collège et l’impression de n’être pas à ma place parmi ces filles habillées à la mode ou tellement sûres d’elles. Mon monde venait de s’écrouler l’année précédente à cause d’un stupide accident de vélo. J’idolâtrais mon père et j’ai tout compris quand il est venu me voir à l’hôpital. Ce jour là, je suis rentrée dans le monde adulte sans le vouloir et tout était devenu clair. Pourquoi ma mère était en colère, les gestes lents et la voix pâteuse de mon père. A l’âge où l’on goûte les yeux fermés aux bouches des garçons, je rentrais de l’école en faisant le même rituel. Priant dieu que mon père ne rentre pas ivre. Quand j’entendais le bruit de sa voiture, la peur me prenait au ventre. Tétanisée, je retenais ma respiration et je guettais ce que ma mère allait dire. Au timbre de sa voix, je savais si je pouvais descendre. Et quand je ne le voulais pas, elle me forçait à venir dire bonsoir à cet homme qui pouvait même vomir son vin. Puis, je remontais, prétextant que je n’avais pas faim. Je me couchais, l’estomac vide et en pleurant.

L’année de terminale toujours à l‘école de G*****.

Je savais que mon bac était mon passeport pour la liberté.

Un soir de décembre quand mon père est rentré, ma mère m’a appelé sèchement pour venir à table. J’ai descendu l’escalier, le cœur qui battait la chamade et les jambes tremblantes. Je me suis assise à côté de mon père comme d’habitude. Je respirais son souffle empestant le vin. J’avais mal au cœur. Envie de vomir et un nœud dans la gorge. Les yeux rivés sur mon assiette, je ne disais rien. Je chipotais avec ma fourchette la nourriture. Je voulais juste retourner dans ma chambre.

— Encore à faire des manières ! tu es bien comme ton père, toi !

Comparaison peu flatteuse. Mots durs qui m’ont transpercée.

Je ressentais toute la tension qui venait se coller à ma peau. Tension qui pénétrait mon corps. Je voulais me forcer à avaler mais mon estomac refusait. Je me suis levée de table précipitamment pour aller aux toilettes.

La voix de ma mère me poursuivait :

— Eh bien, il en manquait plus que ça !

Avoir le silence, je ne demandais que ça mais c’était de trop. De ma chambre, j’entendais la dispute qui éclatait. Comme un enfant, je plaquais mes mains contre mes oreilles pour empêcher les mots de me toucher. Ma mère criait de plus en plus en fort, mon père l’insultait. Bruits de la vaisselle que l’on pose violemment dans l’évier et porte qui claque.

Je venais de prendre une décision. Ne plus ou pratiquement ne plus manger pour les faire réagir. En mettant mon corps à l’épreuve, ils se ressaisiront. Il arrêtera de boire et elle cessera ses lamentations, pain de son quotidien.

Je m’étais fixé un objectif. Fou et dangereux. A ce moment là, je ne le savais pas encore.

Les mois se sont succédé. Il n’y eu qu’un professeur qui s’est inquiété. Et une fois, une seule, mon père est venu me voir dans ma chambre. Il m’a demandé avec des larmes aux yeux de manger un peu. Je n’ai pas su quoi répondre.

J’ai passé le bac en ne pesant plus que 40 kg. Le jour des résultats, j’ai pleuré de joie en voyant mon nom dans celui des admis. Ma mère qui m’accompagnait me l’a reproché. Forcément, on ne pleure quand on est contente. Mon père avait fêté à sa manière les résultats avant de les connaître.

Tout cela n’avait servi à rien. Je me suis écroulée.


Matthieu Gousseff

Je ne suis pas né à Brest

Je ne suis pas né à Brest. Lorsque j’y suis revenu, il y a quelques années, le brouillard était si dense que je n’ai même pas vu la mer. Je cherchais tout ce qui m’avait semblé si moche il a maintenant quinze ans. Cette longue pénétrante qui n’arrive jamais à la ville. Les rails rouillés, les citernes cylindriques des dépôts de carburant, les citernes sphériques des gaziers, le long des quais.. Des bâtiments.
Je cherchais ce qui m’avait semblé si proche. Les grues. Les grues, bordel, où sont les grues girafes ?

Dans la chambre de mes parents, il y avait un tableau qu’on leur avait offert pour leur mariage. La grue immense d’un port de commerce, avec sa structure tubulaire, comme un squelette. Un grand dinosaure qui n’avait pas besoin de chair pour bouger. C’était une encre, figurative, mais presque cubiste à cause du sujet : des grues, la coque, la cabine d’un cargo. J’y voyais un heaume de chevalier.

Mais j’avais huit ans.

Mon premier tableau, au pastel sec, sur une feuille de papier de verre, c’était la même grue, mais ailleurs.
Le port de Saint-Petersbourg, encoure plus flou, avec cette Néva immense, qui se jette dans cette mer Baltique ridicule, dépourvue de marées, une flaque.

Et puis le port autonome de Paris, comme une maquette en Légo, avec ses péniches et ses grues miniatures. Toujours pas d’océan. Et puis Lorient. De l’est à l’Ouest, toujours.

Et je suis revenu à Brest. Plus loin, rien. On ne passe pas à Brest, on y vient, on ne va pas plus loin. Alors c’est à moi qu’il incombe de faire cesser l’exil. De solder la révolution russe toute entière. Et le port de Brest doit remplacer le port de Sébastopol, d’où mon grand-père s’enfuit au fond d’un sous-marin, cadet de la marine, déjà éprouvé par des années de guerre civile, par la défaite, la fuite. Sébastopol où fût prise, sans doute, cette photo de ma grand-mère, assise sur cette corde soigneusement lovée en un disque parfait. Soleil sans lumière. Couché. Vers l’ouest, vers où il faut fuir.

Ces souvenirs de ports, ces tableaux, ces photos, plats, deux dimensions, figées.

Je ne suis pas né à Brest, j’y suis arrivé tard, à l’âge où il est possible de choisir une deuxième naissance. Et enfin, l’altitude, la troisième dimension, le monde réel, ample, imposant, libérateur, avec l’océan, infini.

Rien ne sert d’aller plus loin.

J’étais allé si loin. Au milieu de l’océan indien, une ville de La Réunion s’appelle Le Port. Près de La Possession. J’y avais vu ce cargo russe avant qu’il ne s’échoue sur une plage. L’équipage, ivre mort, n’avait même pas été réveillé par le choc de la coque s’emprisonnant dans le fond sableux. Équipage russe, évidemment.

Pas besoin d’aller plus loin. Les grues girafes, jaune et bleues, solides, stables, inquiétantes, les éclairs de soudure, la brume. La brume ou la fumée de pneus brûlés à cause de la fermeture des usines au bord de l’eau, mais chassée par le vent. Toujours du vent.

La pénétrante, les citernes, les silos, les rails, l’usine de volaille, et cette ville qui n’apparaît jamais. Et qui apparaît soudain.

Le bout du monde n’est pas un continent qui s’incline doucement vers l’eau. C’est une falaise, abrupte. Chaque rue est en pente. Chaque rue est une perspective plongeante. Au bout, au fond, toujours, la mer, souvent, une grue. Immense animal rouillé. Ici s’arrête ma terre, le boulevard de l’Europe, ici s’arrête l’exil. Je regarde les grues, une carcasse de porte-avions dans la rade, le soleil, depuis la fenêtre de la maternité.

C’est fini, mon fils, ça y est, nous n’irons pas plus loin.


Claude Peron

Quimper

Quimper, rue de Rosmadec – juin 1968 Quimper que je rejoignais par le car de la « Régie » pour y passer les épreuves du concours d’entrée à l’Ecole Normale. Nous avions quatorze ans et nous n’avions peur de rien. Les « événements » étaient passés par là, même à la Pointe de notre Finistère du Bout du Monde. Première manif sur les quais d’un port de pêche. 5 000 personnes avec, en tête, les paysans sur leurs tracteurs et les bonnes sœurs de l’Hôpital derrière.
L’« Internationale » et « Il était un petit ministre » sur l’air de « Il était un petit navire » entonnés avec nos profs du Lycée dans le cortège. Nous n’avions vraiment plus peur de rien. Surtout pas d’un concours qui nous ouvrirait certainement – nous y étions sérieusement préparés - les portes de notre avenir professionnel. Avant de monter la côte ( la rue de Rosmadec chemine raide à flanc de colline ), nous nous sommes arrêtés sur la Place de la Tour d’Auvergne, non pas pour admirer ses bâtiments anciens, sa caserne du 118ème R.I., ni son monument aux Fusiliers marins morts pour la France en 14-18, ni ses marronniers en fleurs.
Non, nous nous sommes simplement arrêtés à la terrasse d’un bistrot où, malgré notre jeune âge, on nous a servi une bière. Le collège Brizeux, du nom d’un illustre poète régional, fait l’angle de la Place et de la rue de Rosmadec. C’est un bâtiment ancien qui abritait autrefois des religieux. Son architecture et sa chapelle en attestent le souvenir. La rue de Rosmadec a deux côtés. Évident, me direz-vous ! Oui, mais en juin, nous préférons celui de gauche, ombragée, sous les platanes, à celui de droite, au soleil, le long des hauts murs d’une école privée où, pensai-je alors, on devait aimer les pâtés. En effet, elle portait le doux nom de « Sablière » ! Quelques années plus tard, devenu Normalien, j’entendis Per-Jakez Hélias, l’auteur du « Cheval d’Orgueil », qui était par ailleurs notre professeur de linguistique, raconter comment, un jour de neige en hiver, il avait dirigé sa 504 sur des voitures en stationnement pour éviter de renverser des enfants de cette école qui traversaient sur le passage piétons peu après midi. On avait sans doute oublié de mettre du sable sur la route pour empêcher les véhicules de glisser. Combien de fois n’allions-nous pas emprunter cette côte pendant les quatre années qui suivirent, le temps de l’apprentissage du métier d’instituteur ?
Souvent, les montées étaient héroïques : Retours de matches de foot à l’autre bout de la ville, le jeudi après-midi, les jambes lourdes et le sac de sport pesant une tonne ! Retours de « pistes », quelques grammes dans chaque poche, rasant les murs ou beuglant quelque paillarde ! Enfin, lorsque le sommet était atteint, c’était la délivrance, les jambes – et le reste - s’allégeaient avant de rentrer au bercail. Les bâtiments de l’Ecole Normale d’Instituteurs (une autre réservée aux filles était située à l’autre bout de la ville, au-delà du passage à niveau de la voie de chemin de fer menant à Brest, ligne symbolique que nous n’avions – théoriquement – pas le droit de franchir) avaient abrité autrefois un collège de jésuites, puis la Kommandantur de Quimper en 40-44. A l’ouest, c’étaient les quartiers ouvriers de Penhars et de la Terre Noire, réminiscence d’anciennes mines de charbon. Rue de la Terre Noire, nous pouvions trouver de nombreux petits commerces, parmi lesquels les deux bars-épiceries rivaux où nous avions nos habitudes, « Chez Denis » et « Chez Fanch », le tabac situé juste en face. Les deux permettaient cependant de jouer au boul-tenn, jeu traditionnel de la région quimpéroise.


Anne Le Bris-Quiniou

Trez-Hir

C’est l’été et cette après-midi, nous partons à la plage de St Anne du Porzic pour nous baigner. A pieds, depuis Kéroudot, nous y serons dans une heure mais au moins, nous y trouverons du sable fin, c’est mieux que les gros galets de la grève plus proche de la « Maison Blanche ». Nous sommes dans les années cinquante et quasiment personne, autour de nous, n’a une auto. Alors, si l’on veut s’éloigner de Brest, il faut prendre le car. C’est ce qui se passe, à partir du mois d’avril, quand je vais au Trez-Hir avec mes parents. Ma mère et moi, nous prenons le bus et mon père s’y rend en vélomoteur. Il n’est pas rare que deux ou trois copines soient du voyage. C’est que là-bas, sur le front de mer, il y a une grande maison qui nous attend. Elle n’est pas à nous. Mes parents l’entretiennent pour une vieille dame brestoise très riche, chez qui, ma mère fait le ménage. Ses enfants viennent au Trez-Hir, en été, alors, avant la saison, mes parents vont y mettre de l’ordre. Mon père y fait des travaux de maçonnerie, ma mère nettoie. Mes copines et moi, nous filons à la plage, en face. Dans le parc, aux pieds du perron, il y a des fleurs qui s’ouvrent au soleil et la senteur des algues se mêle à l’odeur de l’herbe fraîchement coupée. La nuit, avant de nous endormir, nous écoutons la mer et roulement incessant des vagues. A l’automne, quand il fait beau, ils nous arrivent d’y retourner. Derrière la maison, il y a un pommier qui donne des « teint frais ». Elles sont délicieuses et ma mère en fait des beignets fondants. Les enfants des voisins ne se joignent jamais à nous. Ce sont des enfants de commerçants brestois, pas nous. Leurs parents ont une auto, prennent des bains de mer, ont leur cabine privée, font du ski nautique et du tennis et se retrouvent sur la plage. Le matin, quand je suis seule avec mes parents, j’aime bien aller à la pêche « aux couteaux » avec mon père. Cela se passe à marée montante. Il y a plein de petits trous sur le sable et mon père dit que c’est un signe. Nous y mettons une pincée de sel et, sans attendre, un coquillage, piégé, remonte à la surface. Au déjeuner, ma mère en fera une poêlée. Parfois, nous allons récolter des brinicks, à gauche, sur les rochers de la plage de St Anne. Parfois nous les mangeons en ragoût mais je les préfère crues quand elles sentent les algues. Aujourd’hui, la bâtisse est toujours là, fière et altière et ses volets sont devenus bleus. Le lierre lui mange la façade, au rez- de- chaussée, le perron est un peu délaissé et des accastillages ont remplacé notre vieux pommier. Un parking a chassé le tennis des voisins, les voitures ont envahi l’espace et moi, quand je regarde la maison, me reviennent nos rires de gamines insouciantes, nous échappant du jardin pour sauter le mur de béton de la plage et courir dans l’eau pour des baignades sans fin d’où nous sortions grelottantes et affamées.


Antoinette Masse

Retour à l’enfance

Un hameau sans rues : des chemins encore bordés d’ormes, des sentiers sans nom. Une carrière pleine d’eau où viennent boire les vaches, on dit qu’elle est pleine de vipères…Tout autour la lande de genêts sur lesquels, à la saison, de vieilles femmes ramassent de petites cosses brunes pleines de graines minuscules dont on fait paraît-il de l’huile. Plus loin des champs, pleins l’été de robustes bleuets et de fragiles coquelicots. Des lieux-dits : en haut du sentier le « Tertalou »( lorsque, bien plus tard, je le verrai écrit, je saurai que c’est le « Tertre à loups », prononcé à la manière du parler gallo), plus loin « la cour des miracles » – ainsi baptisée par ma mère – y habitent celui qu’on appelle le trembleur, un vieux curé avec sa sœur et Marie Bon temps (était-ce son nom ?), il y a, plus loin, une Jeanne Bedaine et aussi une Marie Parapluie qui répare les parapluies.

Le hameau est traversé par une route bordée de douves, qui conduit au Port. Y passent à vélo des « Brettes » qui jargonnent en breton. Ici les plus vieux parlent le gallo et le français des plus jeunes en est tout coloré. On se rencontre « à matin » ou « de vesprée » ou « de sère », on « espère » celui qu’on attend, le linge est porté en brouette au « doué » et « oui » se dit « vère ». Tels sont les chemins langagiers qui plus tard me rendront si familier l’Ancien français.Un jour, il a fallu quitter ces lieux et temps de liberté, prendre le chemin de fer, « Le petit train », pour aller, le cœur serré, vers le savoir désincarné. ----

Atelier n°3

Composer un texte court ou texticule (slogan, aphorisme, morale, résumé d’une intrigue inédite, poésie, parodie, cadavre-exquis, énumération pseudo-scientifique, etc.) à partir d’une récolte de livres dont on ne garde que le titre. Attention, ne jamais réutiliser un titre d’un texte à l’autre.

Au diable les écrivains heureux, Laurent d’Ursel, La Cinquième Couche éditions, 2005.


Benjamin Copy

Rêve entouré d’eau

Vivre encore un peu Le début de quelque chose Le sens du clame, l’art de creuser un trou, la fureur et l’ennui On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux Assez parlé d’amour ! Retour en Inde Le premier mot Le rêve entouré d’eau


Yvette Lehre

Les lèvres de l’eau

Tels des astres éteints, les lèvres de l’eau les quatre saisons du fleuve.

Par un matin d’automne, la machine infernale ! Tout bouge autour de moi – la dispute !

La diagonale du traitre...

...Toutes ces choses qu’on ne s’est pas dites...


Étrange façon de vivre : je ne sais pas parler.


Isabelle Meynial

Soirée Sushi

Soirée Sushi, mes chères voisines, les cœurs détruits. Voyage au bout de la nuit, l’évasion, nonchalance, la belle étoile. Trois femmes puissantes, peau de pêche, quelqu’un comme toi.


Catherine Le Bot

Titreries

Je voudrais tant que tu te souviennes, L’amour et l’oubli Le pur et l’impur La solitude La sottise Le pays de l’absence. J’ai tué, Ma vie --- Je voudrais tant que tu te souviennes, Libre de soi libre de tout Le bonheur d’être ici Corps et âme. Do you love me ? --- La vie et rien d’autre La vie d’une autre Ma vie Paradis inhabité. Debout ! --- Ils se croyaient illustres et immortels
Corps et âme
Libre de soi libre de tout,
La sottise.

— - François Cosker

Questions réponses pour réussir

L’année de la première S. Le Bac philosophie Épreuves classantes nationales : les indispensables Évaluation en IFSI, 1000 questions réponses pour réussir Nouveaux risques en anesthésie-réanimation Vérification et mise en œuvre des réseaux de Pétri Le travail émotionnel des soignants à l’hôpital Bases physiques de la plasticité des solides


Marie-Françoise Bertinetti

La fin que le monde

C’est une chose étrange à la fin que le monde
Dans la peau d’un chef de gang
Le mari de la guenon
Va chercher
Le puits sans nom
L’art de creuser un trou
Là où les tigres sont chez eux.


Isabelle Parc

Souvenirs d’un pas grand chose

Quel jour sommes-nous ? Je voudrais tant partir quelque part, vivre encore un peu à la vitesse de la lumière.
Que tu te souviennes, on n’est pas là pour disparaître. Je voudrais tant partir, en toute discrétion, mais dans la mer il y a des crocodiles. Et le début de quelque chose, un sentiment d’abandon, souvenirs d’un pas grand chose.


Véronique Abaléa

Le palais des livres

Le palais des livres Où j’ai laissé mon âme La mémoire égarée Au bord de la nuit Le premier mot L’insomnie des étoiles La mauvaise habitude d’être soi Vivre encore un peu


Ariane Mascret

Liberté pour les ours

Liberté pour les ours, l’œuvre de dieu, la part du diable, chants de l’innocence et de l’expérience : divine comédie des carpes sous les bombes.
A l’instant de quitter la pièce [par] les 7 portes du monde, le ministère des affaires spéciales, téméraire, d’une grandeur impossible murmure la promesse des loups car je suis légion dans la roue du temps [et] l’épopée du buveur d’eau.


Jeannine Arzur

histoire du pendule

Une si longue histoire le secret de la ROCHE PERCÉE
Comment la magie piège le cerveau ?Le bouffon des Rois
Absolument débordée une fille occupée
(doit) Partir sur les chemins d’Horus lieux du savoir


Atelier n°4

L’énumération comme arme pour dire le monde. La juxtaposition d’éléments forts, de haute gravité, ou à teneur politique, voire subversive, et d’éléments qui tout d’un coup provoquent le rire, ou la seule légèreté. Une énumération tient, c’est quand sa propre table des matières devient elle aussi une prouesse de langage.

Ceux qui songent avant l’aube , Jean-Louis Kuffer, Publie.net, 2010.


Benjamin Copy

Rêve entouré d’eau

Ceux qui s’ennuient ne savent pas quoi faire. Ceux qui s’ennuient ne pensent pas toujours à faire quelque chose. Ceux qui s’ennuient ne pensent pas toujours qu’ils peuvent faire autre chose de mieux que rien. Ceux qui s’ennuient ne pensent pas à partir, par exemple Ceux qui s’ennuient sont les même que ceux qui en font toujours trop. Ceux qui en font toujours trop sont ceux qui pour éviter de penser que s’ils s’arrêtaient de faire pourraient dès lors s’ennuyer. Ceux qui s’ennuient ont peut être envie de s’ennuyer puisqu’après tout il vaut mieux ne rien faire plutôt que de faire quelque chose d’ennuyeux. Ceux qui s’ennuient se mettent à penser à leur passé ou au futur car le présent ne leur offre pas assez de raisons de s’émerveiller. Ceux qui s’ennuient nous embêtent, lorsqu’on leur demande s’ils vont bien ils nous répondent que « ça pourrait être mieux ». Ceux qui s’ennuient se surprennent eux même en train de se poser la question fameuse : Que faire ?


Yvette Lehre

Les lèvres de l’eau

Ceux qui murmurent des mots acides.
Ceux qui murmurent des cantiques.

 Ceux qui murmurent leurs amours, sans les toujours et sans détours.
 Ceux qui murmurent au fond du puits, des petits cris de p’tite souris. 

Ceux qui murmurent la chansonnette au fonds de leur tête – celle qui entête.

Ceux qui murmurent les dents serrées la rage des défis ratés.

Ceux qui murmurent des oui des non sans savoir sur quel pied danser.

Ceux qui murmurent tous leurs demains. Ceux qui murmurent à mon oreille, tous leurs mots comme des abeilles ! Ceux qui murmurent dans le chaos d’un long couloir de métro. 

Ceux qui murmurent en dormant... le prénom d’un prince charmant. Ceux qui murmurent avec les mains en caresses de satin.

 Ceux qui murmurent une dernière fois comme un chien qui aboie. Ceux qui murmurent du coin de l’œil et qui se foutent de ceux qui gueulent !


Isabelle Meynial

Ceux qui prennent le temps

Ceux qui prennent le temps
partent en vacances
ne sont pas fatigués
ont de la réflexion
savourent la vie
voient toutes ces petites choses qui font la vie
invitent et se font inviter
envoient un sms en bon français
préfèrent patienter que se jeter dans les bras du premier ou de la première venue
profitent de leur famille et de leur maison
ne sont pas devenus des bêtes de travail
savent quel chemin prendre
se soignent par la méditation, le développement personnel et non par les anxiolytiques
écrivent des cartes de vœux au lieu d’envoyer des e-mails groupés
savent ce qu’est une ballade au bord de la mer
cuisinent simplement mais évitent la répétition des repas insipides
vont faire du sport à la sortie de leur travail au lieu de s’avachir dans leur canapé et se sentir fatigués de leur journée
se nourrissent d’au moins une pensée positive par jour
ne se laissent pas enfermer dans une routine quotidienne et agissent pour une vie plus adaptée à leurs envies.


Isabelle Meynial

Ceux qui ne sourient pas

Ceux qui ne sourient pas
ont leurs raisons
sont peut-être seuls dans leurs vies
n’ont rien qui puisse les faire sourire
ont déjà souri, mais c’était quand, la dernière fois ?
vont retrouver le sourire un beau jour
je les comprends
sont des personnes blessées, meurtries
semblent froids et distants, mais c’est parce que personne ne connaît leur histoire
ont de la rancœur, et la gardent dans leur cœur
n’ont pas le sourire de façade
n’ont pas la joie de vivre mais personne ne leur demande pourquoi, alors qu’à ceux qui ont le sourire, on peut leur dire « t’as l’air en forme aujourd’hui, qu’est-ce qui t’arrive ? »


Catherine Le Bot

Ceux qui veulent partir

ceux qui veulent partir, emmènent avec eux ce qu’ils voulaient fuir, ceux qui veulent partir reviendront un jour, ceux qui veulent rester auraient peut être dû partir, ceux qui veulent toujours parler, devraient souvent se taire, ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas s’exprimer ont pourtant beaucoup à dire, ceux qui veulent tout ne me disent rien, ceux qui veulent tout, n’obtiennent jamais rien, ceux qui veulent donner reçoivent beaucoup, sans rien demander, ceux qui veulent partager n’ont qu’à s’assoir à ma table.


François Cosker

Ceux qui ont mal à la hanche

Ceux qui ont mal à la hanche sont souvent énervés et crient sur tout ce qui bouge. Ceux qui ont mal à la hanche auraient intérêt à se soigner ou à mettre des bas de contention. Ceux qui ont mal à la hanche marchent souvent de travers avec leurs jambes qui se croisent et ils sont regardés avec pitié ou admiration. Ceux qui ont mal à la hanche clopin-clopant promènent leur canne sur les trottoirs. Ceux qui ont mal à la hanche n’arrivent pas à descendre du bus quand il se gare loin du trottoir et ils font le tour de la ville. Ceux qui ont mal à la hanche ne peuvent pas rester assis et ne peuvent pas rester debout : ils ne peuvent pas rouiller Ceux qui ont mal à la hanche ne seront plus jamais ni maçon ni déménageur Ceux qui ont mal à la hanche ont peur de se faire opérer et d’y rester Ceux qui ont mal à la hanche aimeraient flâner, déambuler, se promener, nager Ceux qui ont mal à la hanche n’aiment pas répondre à la question comment ça va ? Ceux qui ont mal à la hanche vont de la table à l’évier et trouve que c’est court comme voyage.


Solenn Lecloarec

Ceux qui s’enferment

Ceux qui s’enferment ne sont plus jamais libre
Ceux qui s’enferment ont choisi leur prison
Ceux qui s’enferment ont l’impression de lutter
Ceux qui s’enferment font culpabiliser les autres
Ceux qui s’enferment abandonnent les autres
Ceux qui s’enferment sombrent lentement
Ceux qui s’enferment vont parfois trop loin
Ceux qui s’enferment ne reviennent jamais


Solenn Lecloarec

Ceux qui prient

Ceux qui prient le font à voix basse
Ceux qui prient ne veulent pas que ça se sache
Ceux qui prient ont un espoir tenace
Ceux qui prient se sentent seul à la tâche
Ceux qui prient se retrouve face à la glace
Ceux qui prient, prient mais jamais ne se lassent.


Marie-Françoise Bertinetti

La fin que le monde

Ceux qui pleurent sur leur vie Ceux qui pleurent sur la vie des autres Ceux qui pleurent leurs amis disparus trop tôt, leurs parents proches ou lointains Ceux qui pleurent pour montrer leurs douleurs physiques ou morales, dans l’espoir d’être très vite soulagés pour ne plus avoir mal Ceux qui pleurent devant leur télé, au cinéma ou devant un paysage qu’ils veulent immortaliser, un poème ou une musique qui les fait frissonner,

et ceux qui rient d’un rien, qui rient de tout Ceux qui rient d’eux-même, ayant l’air de ne jamais prendre la vie au sérieux, Ceux qui rient aux larmes Ceux qui rient sous cape Ceux qui rient intérieurement avec cette lueur qui se voit dans leurs yeux. -

— - Isabelle Parc

Souvenirs d’un pas grand chose

Ceux qui voyagent prennent le train. Ceux qui regardent chaussent leurs lunettes de soleil. Ceux qui se lèvent tôt emplissent leurs valises de n’importe quoi. Ceux qui ont trop chaud vont courir dans la rivière éclabousser les oiseaux. Ceux qui chantent ouvrent la bouche en rond, écartent les bras et marchent sur scène. Ceux qui font du théâtre feraient bien de remonter sur scène et de prendre un micro. Celui qui crie « gare » a croisé le contrôleur dans les wagons. Celui qui a commis le meurtre de l’Orient-Express n’a jamais été retrouvé. Ceux qui ont dîné à bord du train n’ont pas fermé l’œil de la nuit. Celui qui a dit que les œufs n’étaient pas frais s’est brouillé avec le cuisinier. Celui qui a découpé le gigot est tombé sur une sacrée charogne. Ceux qui pensent que c’est facile feraient bien d’en faire de même. Ceux qui s’indignent du silence de la salle devraient lancer la rébellion avec des drapeaux multicolores. Ceux qui craignent le froid devraient passer un séjour chez les Inuits. Ceux qui aiment croquer les gaufrettes savent faire croustiller la vie. Celle qui n’a pas mis son doigt dans le feu ne sait pas ce que c’est que de se brûler. Ceux qui lisent ne sont pas des idiots, ils ont des amis. Ceux qui partis ne reviendront plus. Celui qui donne sa langue au chat a perdu.


Véronique Abaléa

Ceux qui rêvent

Ceux qui rêvent pendant que les autres, studieux, écrivent dans leur cahier. Ceux qui rêvent de silence devant leurs gamins braillards. Ceux qui rêvent de bruit face au silence de leur vie. Ceux qui rêvent d’espace et ne veulent vivre ailleurs qu’en plein cœur de Paris. Ceux qui rêvent pendant que la maîtresse ânonne pour la énième fois l’énoncé de l’exercice que toute façon ils ne résoudront pas. Ceux qui rêvent de liberté derrière les barreaux de leur cage, ou l’anneau de leur main. Ceux qui rêvent d’être tout autre, et qui ne savent pas, et qui ne peuvent pas, et qui n’osent pas et dont la vie s’égrène, heure par heure, dans le regret des choses inachevées. Ceux qui rêvent tout bas, comme une maladie honteuse, hautement contagieuse et peut être nocive. Ceux qui rêvent nonchalamment, avec bonheur, conscients que c’est peut être là que se joue finalement la plus belle part de leur vie, la tête dans les étoiles, à surfer sur leurs douces folies. Ceux qui rêvent d’amour parce qu’ils n’en connaissent ni la douceur ni la toxicité. Ceux qui rêvent d’aimer, de souffrir, de pleurer, de rire, d’être émus, de comprendre, d’espérer, de haïr…de n’importe quoi pourvu qu’ils soient vivants. -

— - Ariane Mascret

Ceux qui...

Ceux qui racontent leur vie ceux qui racontent leur états d’âmes ceux qui racontent des histoires pour enfants avant d’aller dormir ceux qui racontent la vie, la mort, la création du monde et la naissance de l’univers ceux qui racontent leur rêves puis décident de les coucher par écrit ceux qui racontent leur journée, agrémenté d’évènements cocasses et parfois légèrement exagérés. ceux qui racontent les péripéties de leur voyages, se perdent dans des considérations politico-économiques sur le pays découvert en se disant finalement qu’on est quand même bien chez soi. ceux qui pensent ceux qui pensent mais ne disent rien ceux qui pensent qu’ils faiblissent et croient avec angoisse qu’ils ne peuvent rien y changer ceux qui pensent religion alors que d’autre préfère parler d’identité culturelle ou ethnique ceux qui pensent leur vie et ceux qui la bâtissent ceux qui pensent "corvée" quand on leur parlent de boulot, et ceux qui y voit "épanouissement social" ceux qui pensent que communiquer est important et racontent leur vie au détour d’un arrêt de bus, dans le métro, le train, au travail, pour le seul plaisir de partager un moment ensemble.


Jeannine Arzur

Ceux qui n’ont pas d’imagination

Ceux qui n’ont pas d’imagination Celle qui dit n’importe quoi ! Et celui qui la regarde... Celles qui aiment les livres plutôt que la télé Ceux qui n’ont rien. Ceux qui ont la santé ! Celui qui fait du sport en salle Celles qui aiment marcher sur les sentiers Celles qui bavardent pour ne rien dire Ceux qui écoutent et répètent Ceux qui font des fautes... d’orthographe Celles qui préfèrent les petits gâteaux Celles qui préfèrent le tricot ou la mode Ceux qui partent tous les ans en vacances à l’étranger en avion et sans escale Ceux qui les envient et les autres... Celles qui font du cinéma Celles qui font des enfants pour leur raconter des histoires le soir ! Ceux qui ont leurs habitudes Celles qui s’en lassent et s’en vont Ceux qui habitent BREST et s’y plaisent Celles qui n’ont rien inventé Celui qui peint ou bricole Celles qui haïssent les dimanches même quand il fait beau ! Ceux qui ne regrettent rien. Celles qui sont tristes Ceux qui amusent la galerie Celles qui aiment les films comiques ah ! Ah ! Ah ! ----


LIMINAIRE le 04/11/2024 : un site composé, rédigé et publié par Pierre Ménard avec SPIP depuis 2004. Dépôt légal BNF : ISSN 2267-1153
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