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Séance 95

Cet atelier figure dans l’ouvrage Comment écrire au quotidien : 365 ateliers d’écriture, édité chez Publie.net en version numérique et imprimée : 456 pages, 24€ / 5,99€.

Vous pouvez commander ce livre directement sur la boutique de Publie.net (une manière de soutenir la maison d’édition et ses auteurs) ou en ligne (Amazon Place des libraires, etc.) — et bien évidemment chez votre libraire en lui indiquant l’ISBN 978-2-37177-534-3, distribution Hachette Livre.

Proposition d’écriture :

Effectuer un retour en arrière comme l’on revient vers sa maison natale (moins celle où l’on a réellement vécu que celle que l’on transporte en soi), revenir sur les images du passé, l’expérience de l’enfance, porteuse d’une mémoire en éveil et une espérance, une confiance dans l’avenir, où s’annonce « l’avènement du monde » dans « les choses d’ici » : l’arbre, la montagne, la pierre, le feu…

Les planches courbes, Yves Bonnefoy, Éditions Gallimard, Collection Poésie/Gallimard, 2003.

Présentation du texte :

Le poète se retourne vers le passé et l’enfance. Il invoque ces images enfouies que l’on pourrait croire nostalgiques. Mais c’est le vif d’une présence plus vive au monde, d’une lecture plus pénétrante du réel, une expérience immédiate du monde et une simplicité « seconde », acquise à travers et malgré les mots, par une lente maturation qu’il est possible de comparer à une transmutation alchimique.

« Ce n’est donc pas avec mélancolie que le poète se retourne, écrit Jean-Michel Maulpoix. Plutôt pour sentir affluer en lui des images rêveuses où le sentiment de la présence s’observe et se recreuse. L’écriture poétique cherche à voir « dans les choses d’ici le lieu perdu ». Ses mots, ses images, ses vers, palpent aveuglément les murs d’une « maison natale » qui est en définitive moins celle où l’on a réellement vécu que celle dont on transporte en soi, comme un précieux viatique, les odeurs et les chambres. Une maison qui serait comme un navire, où s’endormir l’oreille collée contre le bois. » La maison natale est la métaphore du « vrai lieu », rêvé, enfui et à venir (dans la poésie), une expérience d’enfant, celle de la fusion d’avant les mots avec la mère aimante – plénitude de l’enfance « qui a l’âge de l’espérance », mais aussi lieu du drame où le miroir déjà se brise (« Cérès moquée brisa qui l’avait aimée./ Ainsi parle aujourd’hui la vie murée dans la vie. »

Extrait :

« Je m’éveillai, c’était la maison natale,

L’écume s’abattait sur le rocher,

Pas un oiseau, le vent seul à ouvrir et fermer la vague,

L’odeur de l’horizon de toutes parts,

Cendre, comme si les collines cachaient un feu

Qui ailleurs consumait un univers.

Je passai dans la véranda, la table était mise,

L’eau frappait les pieds de la table, le buffet.

Il fallait qu’elle entrât pourtant, la sans-visage

Que je savais qui secouait la porte

Du couloir, du côté de l’escalier sombre, mais en vain,

Si haute était déjà l’eau dans la salle.

Je tournais la poignée, qui résistait,

J’entendais presque les rumeurs de l’autre rive,

Ces rires des enfants dans l’herbe haute,

Ces jeux des autres, à jamais les autres, dans leur joie.

X

La vie, alors ; et ce fut à nouveau

Une maison natale. Autour de nous

Le grenier d’au-dessus l’église défaite,

Le jeu d’ombres léger des nuées de l’aube,

Et en nous cette odeur de la paille sèche

Restée à nous attendre, nous semblait-il,

Depuis le dernier sac monté, de blé ou seigle,

Dans l’autrefois sans fin de la lumière

Des étés tamisés par les tuiles chaudes.

Je pressentais que le jour allait poindre,

Je m’éveillais, et je me tourne encore

Vers celle qui rêva à côté de moi

Dans la maison perdue. À son silence

Soient dédiés, au soir,

Les mots qui semblent ne parler que d’autre chose.

(Je m’éveillais,

J’aimais ces jours que nous avions, jours préservés

Comme va lentement un fleuve, bien que déjà

Pris dans le bruit des voûtes de la mer.

Ils avançaient, avec la majesté des choses simples,

Les grandes voiles de ce qui est voulaient bien prendre

L’humaine vie précaire sur le navire

Qu’étendait la montagne autour de nous.

Ô souvenir,

Elles couvraient des claquements de leur silence

Le bruit, d’eau sur les pierres, de nos voix,

Et en avant ce serait bien la mort,

Mais de cette couleur laiteuse du bout des plages

Le soir, quand les enfants

Ont pied, loin, et rient dans l’eau calme, et jouent encore.) »

Les planches courbes, Yves Bonnefoy, Éditions Gallimard, Collection Poésie/Gallimard, 2003.

Présentation de l’auteur :

Yves Bonnefoy est né à Tours le 24 juin 1923. Poète, essayiste, critique, traducteur. Il poursuit des études de mathématiques et de philosophie à l’université de Poitiers puis à La Sorbonne où il reçoit notamment l’enseignement de Gaston Bachelard. Il est, dès l’adolescence, profondément marqué par la lecture de Baudelaire, Rimbaud et Mallarmé puis, plus tard, par sa rencontre avec André Breton et les surréalistes. Ses premiers textes (La révolution la nuit, Les deux sœurs et Troisième convoi) paraissent en 1947 dans des revues à petit tirage. Son premier recueil poétique "Du mouvement et de l’immobilité de Douve" est publié en 1953.

Liens :

Yves Bonnefoy sur le site du collège de France

Yves Bonnefoy sur le site du Mercure de France

Entretien avec Yves Bonnefoy sur Rimbaud

Introduction à la lecture d’Yves Bonnefoy sur le site de Jean-Michel Maulpoix

Yves Bonnefoy ou l’accomplissement contradictoire du Surréalisme, article de Judith Abensour sur Fabula

Lectures de certaines de ses œuvres par Yves Bonnefoy, à l’occasion du colloque "Yves Bonnefoy : lumière et nuit des images", Paris, 2004.

Sur le site Canal-U, Université de tous les savoirs, conférence donnée le 11 novembre 2000.

Conférences à la bibliothèque nationale


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