Comme je l’ai précisé dans mon texte sur le projet de Planche-contact, tous les jours je prends une photographie avec l’appareil photo numérique que j’ai sous la main (iPhone, iPad, Kodak, Canon, etc.) et je la diffuse sur mon nouveau Tumblr : Planche-contact, en y associant une phrase trouvée sur l’un des nombreux blogs et sites littéraires que je suis régulièrement. À la fin, je reprends l’ensemble des photographies pour les diffuser dans un article avec le texte que j’ai écrit à partir des phrases trouvées pendant la semaine.
Au bout de six mois d’expérience, à mi-chemin de ce projet d’écriture photographique, dans lequel je me suis lancé, quelques enseignements :
Ce que je diffuse sur le site n’est qu’une petite partie de ce que je photographie.
Il y a des jours où je prends le temps de photographier un lieu, à l’occasion d’une promenade, par exemple, je prends de nombreuses photographies, celle que je retiens est publiée sur le site, les autres le sont sur le profil Facebook de Philippe Diaz.
Les jours où je n’ai pas le temps de photographier, je vais à l’essentiel.
Je photographie des lieux que je n’avais pas l’habitude de photographier (banlieue, train).
Je photographie de plus en plus de passants dans la rue (encore à la dérobée, mais j’essaye de le faire de plus en plus ouvertement).
J’aime les reflets sur les vitres, les affiches et les graffitis sur les murs, les immeubles et leurs perspectives, les lieux vides et les lieux bondés, les chantiers, les arbres et leurs ombres, et tous ces visages que je n’arrive pas encore à photographier.
Il a des lieux qui reviennent, par la force des choses (Melun parce que j’y travaille, le 12ème arrondissement de Paris, parce que je vais y prendre le train tous les jours, et le 10ème arrondissement, par ce que j’y habite depuis treize ans).
Très peu de photographies personnelles, intimes (un autoportrait, un portrait de mes filles).
Plus je photographie, plus je trouve le travail photographique de Philippe De Jonckheere, d’une grande richesse et d’une grande beauté.
Je retrouve dans ce journal photo, ce que j’aimais pratiquer et approcher lorsque je tenais mon bloc-notes poétique sur Liminaire, échos secrets et correspondances discrètes entre les photographies (dans les choix de cadrage et la lumière qui m’attire plus que dans les sujets photographiés).
Dans la variété des lieux visités (j’ai eu la chance de pas mal bouger ces derniers temps), ceux que je découvre pour la première fois (l’Alsace ou la Californie cette année, mais aussi ceux que j’envisage différemment, que je n’avais jamais vraiment photographié, comme Melun, dont je découvre certains aspects inédits), ne pas chercher le lieu typique ou révélateur, ne pas retenir l’événement ou l’exceptionnel, bien plutôt l’infra-ordinaire, en creusant toujours le même sillon, cadrage et lumière, un travail au long cours, de recherche (pas les réponses mais les questions que me font remonter les photos au quotidien).
La photographie, comme l’écriture, est un travail de lecture. Je regarde autour de moi, ce qui retient mon attention (en voyage, en marchant, dans le train) évolue sans cesse, c’est comme un récit qui se poursuit, évolue au fil du temps : écrire avec ce qui a déjà été écrit, lire c’est pareil, et regarder aussi. Les phrases extraites des blogs et des sites que je lis régulièrement, et auxquelles j’associe mes photos, s’en font l’écho. Si je clique sur la photo, c’est le texte intégral dont la phrase sélectionnée est extraite que je donne à lire. Comme la photographie est un fragment du réel que j’ai enregistré à un moment et dans un lieu donné.
Lecture dont on ne retient qu’un fragment. Et comment ce fragment, je peux ensuite l’agencer avec d’autres et créer d’autres textes et révéler d’inattendues images : Mosaïque.
Ci-dessous quelques poèmes composés à partir des phrases du jour agencées aléatoirement selon les mots clés associés à cette série de huit photographies (vitres, reflets, ciel, et fenêtres).
Vitres :
Comme une flamme en signe de conquête, mes rêves sont au monde.
L’épuisement du voyageur explorant ce paysage inépuisable.
Ça ressemble à des instants que l’on pouvait encore se permettre de perdre.
Dans la vitesse et le peu de temps laissé au hasard on fait ce qu’on peut.
Trottoir vide qu’il faut traverser pour retrouver l’image le grain de temps.
Prouver son existence n’est pas toujours simple.
Les variations s’offrent en florilège de sourires.
Un vertige se produit, qui a l’éclat de notre propre disparition.
Reflets :
Après écrire, maintenant juste dessiner quelques traces, quelques horizons…
Ça ressemble à des instants que l’on pouvait encore se permettre de perdre.
Une ouverture sans réserve, jusqu’au sacrifice de soi.
Trottoir vide qu’il faut traverser pour retrouver l’image le grain de temps.
Les variations s’offrent en florilège de sourires.
Savoir ce que l’on donne, pour ne pas s’égarer.
Éprouver à nouveau mêlées la sensation du retour et celle de l’éloignement.
Ici rien ne se pense, tout s’accomplit.
Ciel :
Quel silence après tout ce tintamarre.
La modération est un choix pour réaliser l’extase de son engagement.
C’est le voyage lié à l’écriture, sans même le savoir.
Le temps de renouer avec les mots, et l’envie de les renouer.
Une frontière est toujours l’occasion de passer de l’autre côté.
Pouvoir écrire sur rien, c’est-à-dire sur tout, et que ça tienne debout…
L’Horizon comme une main sur la frondaison des arbres.
Mais reste cette intuition d’un retournement, d’un décalage du point de vue.
Fenêtres :
Au lieu de partager le sort des instants fugaces.
L’échelle nous croit toujours au fond du puits.
L’écriture, est-il l’une des images possibles du manque ?
Chaque exclamation est un pas de danse.
Il ne se remonte pas n’a de poids ressorts ni rouages à l’intérieur.
Que ce soit vrai ou faux, qu’importe.
La rue n’est pas uniquement un lieu d’exposition des formes d’écriture.
Le temps du voyage devient parfois un temps de travail (et vice-versa).