L’exposition Mise au poing visible jusqu’au 18 mars 2017 dans l’espace d’exposition Topographie de l’art dédié à la création contemporaine situé dans le quartier du Marais à Paris, célèbre l’ouverture il y a 30 ans du premier bureau de l’ONG Médecins du Monde en France.
Médecins du Monde a confié à six photographes aux profils très différents
le soin de porter un regard sensible sur les plus démunis, sans clichés ni bons sentiments. Chacun à sa manière, avec sa technique de prédilection (le documentaire pour Cédric Gerbehaye et Henk Wildschut, le portrait pour Claudine Doury, Denis Rouvre et Alberto García-Alix, une démarche plus plasticienne pour Valérie Jouve) a su capturer la beauté de ces mal-logés, de ces mineurs isolés, de ces migrants, nous offrant une vision décalée du monde qui nous entoure, une poétique du monde qui en amplifie notre compréhension, en frappant nos esprits, sans appauvrissement ou caricature.
Denis Rouvre présente une installation sonore, avec portraits et voix, sur le thème des blessures de la vie. « J’ai travaillé sur les blessures physiques qui ressurgissent sur les visages, déclare le photographe, des blessures qui viennent d’avant, de l’enfance parfois . »
Le vidéaste Christophe Acker a filmé
une prostituée chinoise dans son quotidien à Belleville. Une jeune femme vulnérable qui n’a pas d’autre monnaie d’échange que d’offrir son corps pour survivre. Sans dévoiler son visage, c’est le monde de la prostitution clandestine que le vidéaste dénonce.
La photographe Claudine Doury a suivi le quotidien d’une mineure roumaine dans la banlieue parisienne, jusqu’à la disparition soudaine de la jeune fille qui sera expulsée. « Je m’étais imaginée pouvoir rendre compte de son quotidien, raconte Claudine Doury en parlant de Sara, mais le quotidien n’existe pas pour elle, rien n’est réglé, rien n’est fixe. »
L’Espagnol Alberto Garcia-Alix, qui aime se présenter comme un photographe marginal, a saisi cette urgence avec de jeunes adolescents aux regards fiers.
Cédric Gerbehaye a traité des « mineurs sans papiers », montrant, en noir et blanc, leur errance dans les rues et les lieux les plus improbables.
Le Néerlandais Henk Wildschut capte la fuite des migrants à la ville-frontière de Vintimille en Italie. « La frontière se ressent partout, fait remarquer le photographe, elle représente l’écart entre notre réalité et la réalité des sans-papiers. Ils ne font pas partie du système. »
Valérie Jouve, pour sa part, ne photographie que des personnes qui ont posé pour elle, y compris des volontaires de Médecins du Monde.
Des textes sont associés aux images, chaque mode d’expression joue son rôle, les mots n’illustrent pas les images, les images n’illustrent pas les mots. « Les récits peuvent nous amener à comprendre, comme le rappelait Susan Sontag. Les photographies font autre chose : elles nous hantent. »