Lors de notre voyage à San Francisco il y a deux ans, la découverte des Bains Sutro à San Francisco, des ruines modernes au bord du Pacifique, fut un grand moment. Les vagues de l’océan qui venaient s’écraser sur les rochers et nous rappelaient celles qui scellèrent le baiser de Scottie et Madeleine dans Vertigo. Les structures labyrinthiques des anciens Bains Sutro gisaient à nu sous un ciel éclatant, tout près de la mer.
En vacances à Lille, pour accompagner en famille ce passage d’une année à l’autre, comme nous le faisons chaque année (l’année dernière à Londres, et l’année précédente à Bruxelles), nous nous sommes rendus à Roubaix, pour visiter La Piscine, le Musée d’Art et d’Industrie.
Jean-Baptiste Lebas, maire socialiste de Roubaix, a commandé en 1927 à l’architecte Albert Baer « la plus belle piscine de France ». Inaugurée en 1932, elle représentera pour la ville un outil politique et social et accueillera des milliers de Roubaisiens pendant 50 ans, jusqu’en 1985.
Depuis 2001, La Piscine héberge les collections du musée industriel et du musée municipal de Roubaix, collections d’arts appliqués et de beaux-arts constituées à partir du XIXe siècle, comprenant tissus et pièces textiles remontant à l’Antiquité, pièces d’arts décoratifs, céramiques, sculptures, peintures et dessins.
L’édifice est organisé à l’image d’une abbaye cistercienne avec un jardin et un bâtiment principal où le bassin olympique est éclairé de vitraux qui symbolisent le soleil levant et le soleil couchant.
Aux étages sont disposées baignoires et salles de manucure. La piscine restera en activité jusqu’en 1985, date à laquelle elle ferme pour raisons de sécurité. En 1990, le bâtiment est heureusement classé et la ville de Roubaix décide de le transformer en musée.
Les travaux commencent en 1998 sous la direction de l’architecte Jean-Paul Philippon. En 2001, le conservateur Bruno Gaudichon peut enfin accueillir les collections.
Piscine avec un bassin olympique de 50 mètres et établissement public de bains-douches, plusieurs générations de Roubaisiens l’ont fréquentée pendant 50 ans.
Au fil de la visite, un bruit attire régulièrement votre attention. La première fois vous n’y prêtez qu’une attention lointaine, sans savoir de quoi il s’agit avec précision. Irruption sonore qui envahit l’ensemble de l’espace du Musée puis disparaît comme elle est intervenue, par surprise. Et puis vous comprenez qu’il s’agit d’un court enregistrement sonore de la piscine lorsqu’elle était encore un lieu où la population venait se baigner, s’amuser en nageant dans l’eau du grand bassin. Une pièce sonore compacte, pêle-mêle de cris de joie et d’excitation, de bruits, de plongeons dans l’eau, répercutés par l’acoustique toute particulière du bâtiment, diffusée régulièrement dans la journée, qui nous apparaît sous la forme d’une épiphanie, une sorte de révélation, ici esthétique, qui permet au langage de transcender le réel. C’est l’irruption dans le champ de la conscience d’une expérience, d’un fait quotidien sous une forme chargée d’intense d’émotion, un fragment ouvert de réalité restant énigmatique parce qu’il emprunte à plusieurs temps ou à plusieurs espaces à la fois sa puissance d’apparition.