Si toutes les feuilles de tous les arbres avaient une langue et si ses langues parlaient de vous, si elles vous décrivaient le jour et la nuit pendant des siècles, elles ne pourraient pas dire qui vous êtes.
Laura Vazquez, La semaine perpétuelle, 2021
Le temps, ici, n’a pas lieu
Une suite de séquences brèves, sans que l’image se modifie de façon sensible. On se regarde et la complicité de notre regard met en lumière les liens et les secrets. C’est alors que de brefs éclats se mettent à briller. Là-bas, la nuit il y a des lucioles, un nombre incroyable de lucioles. Il suffit de choisir un point de la chronologie, pour, repartant pour ainsi dire de zéro, réinitialiser le réel. La colère enfouie mais jamais bien lointaine. Chacun dans le flux de ses pensées, marche comme s’il n’y avait pas d’autre manière de faire. Le coeur n’y est pas, quelque chose en nous se retient et se réserve. On s’enferme dans nos misérables cellules et on se sent fiers, on se croit chanceux. Évidemment, ce genre de phrase fait d’abord rire. Le temps est à découvert, fuite dégoupillée. Est-on là où dire : plus rien ne sera comme après ? L’engloutissement, c’est le mot, incluant cet engouement du flot pour le vide. Il y en a toujours un pour se dire qu’il repartirait bien de zéro si jamais il gagnait. Nous sommes seulement dans l’espace sans contours. Le temps, ici, n’a pas lieu. Au plus profond de presque tout, on retrouve la symétrie. Aujourd’hui c’est un paradis perdu. La vie nous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient pas toujours. Maintenant il y a ce mur. Il s’agit d’assurer une mémoire à l’effacement. Cette nouvelle façon de voir le monde. Dans des états variables. Dans sa voix comme une infime note de déception ou d’agacement. Comme si la seule façon de continuer était la fuite. Comprendre tout ça, d’un coup. On ne va pas prendre un mot mais tout ce qu’ils ont en commun. On peut presque tout perdre, on vit quand même. On devine aux regards alentis l’orientation des pentes. On ne sait quelle étoile dans le ciel a dû s’allumer par erreur. La nuit tombe et l’espace n’est plus le même, le temps se met à scintiller sous la voûte inachevée des étoiles.