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Images de l’instant présent #4

Nous nous enfonçons avec délice dans les ténèbres et nous leur découvrons une beauté qui leur est propre.

Junichirô Tanizaki, Éloge de l’ombre, 2012

La nuit est à l’intérieur

L’air, la lumière semble douloureusement distinct et proche, même le temps devient concret et perceptible dans son écoulement. Chaque passant est une promesse. Chaque regard un engagement. Il ne nous reste en souvenir qu’une photo. Mais l’image finit par disparaître à son tour. Dans l’attente, la tension qui monte. Un signe à venir. Ce message fait vibrer en moi une impatience, en même temps qu’un doute. Quelque chose se joue en moi. Quelques dixièmes de seconde comme un hologramme. Une forme d’hypersensibilité qui frôle le don de voyance. Toutes ces ombres, tous ces sifflements et ces trilles, toute cette vraisemblance. Ce n’est pas un cri, mais un râle, un dernier râle, sous une vague de sang et de musique. La présence de la nuit, on verra demain. Ensemble tant qu’il reste quelqu’un. On y rêve à rebours dans l’angle obscur du cadran. Une présence refusée dans le paysage soudain vide. La nuit est à l’intérieur. C’est comme la brume, comme la fumée, transparent et fuyant. Le silence est palpable. On sort de notre état d’hypnose et tout apparaît soudain absurde et vain. J’en ai presque un fou rire de joie. C’est la peur de ne jamais revenir. L’incertitude des premiers pas. J’entends encore le silence. Des indices dans ses lacunes et ses contradictions. Dans le souvenir de ces temps-là, des premières histoires maladroites, avec la peur qui est là au coeur des choses. Dans un état proche de la transe. Partout et tout le temps. Je ne sais plus où je suis. Le vertige est une sensation étonnante. Les heures finissent par se superposer. Des points, des épines de lumière, des souvenirs de lumière. Je me souviens de la difficulté de se situer dans le présent. Le temps n’est pas une destination. C’est une oscillation permanente. Il ne faut rien faire, ne rien faire du tout, et ne pas y penser. Tout s’ouvre et se ferme, il faut faire entrer le plus de lumière. Au creux de l’heure. J’ai le sentiment sinon d’être complice du silence. L’air ne bouge pas.


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