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Récit poétique à partir d’images créés par procuration

Créer à partir de textes des images conçues par le biais de l’artefact génératif DALL-E, écrire un texte en regard de ces images.


Anima Sola #20

Je me souviens d’une scène marquante de mon enfance avec mon père. Nous habitions dans une caravane à cette époque-là. Sur un terrain abandonné en lisière de forêt. En rentrant de l’école, j’avais eu peur de ne pas retrouver mes parents. Le soir tombait, j’avançais prudemment sur la route, je sentais que quelque chose avait dû se passer, quelque chose de terrible, d’imprévisible, j’avais une peur panique d’y aller voir, c’était irrésistible. J’ai entendu aboyer un chien dans le fossé, un oiseau s’envoler au même instant, le bruit de ses ailes claquant l’air, la branche de l’arbre et ses feuilles secouées par son départ tonitruant. Mes pas dans l’herbe haute, humide. Je voulais rentrer à la maison sans tarder. Ce que je continuais d’appeler la maison, notre caravane. Je ne sais pas ce qui s’est passé. Je mémorise les gestes et les distances, comme après une répétition générale. Je donne l’impression que mon geste devant la lumière avait quelque chose de la fuite aveugle. Je promets de ne pas m’éloigner, de venir les voir. Je baisse la voix pour nous entendre. Je manipule le chiffon humide sur ma figure. J’élude cette odeur douceâtre qui suinte aux heures de grand soleil. Je savoure derrière mes paupières closes. Je pressens la rupture d’un ordre des choses, la fin d’une habitude nécessaire. Je suggère une course folle le long des murs. Je repousse la terreur d’une deuxième attaque. Je veux flotter dans l’air. J’avançais dans le champ assombri d’herbes folles. Sous un ciel gris mauve. Au milieu des ombres indéfinissables de cette fin de journée. La porte de la caravane était grande ouverte. La lumière restée allumée comme s’il y quelqu’un à l’intérieur. J’avais peur d’approcher. De loin, je n’entendais aucun bruit. La lumière m’éblouissait, irradiante, elle s’échappait des fenêtres et de la porte qui claquait régulièrement dans l’air du soir. Les lumières se reflétaient dans les flaques d’eau du terrain boueux. Il avait beaucoup plus la nuit précédente, le sol n’avait pas eu le temps d’absorber toute cette humidité. J’avançais sans faire de bruit, en tapinois. Je tentais d’être la plus discrète possible. Je parvenais tout de même à progresser dans l’obscurité naissante malgré la peur. Les feux follets des reflets me rassuraient par leur brillance enjouée, la variation de leurs éclats mirifiques. Cela me rappelait qu’un jour j’avais vu mon père jouer avec des ampoules multicolores qu’il avait ensuite entourées autour de son cou pour m’amuser et me faire retrouver le sourire. J’étais triste ce jour-là. Je ne sais plus ce qui avait causé cette peine. Quelle perte pleurais-je ? J’aperçois le geste incrédule et contrarié de mon père. Je sépare les bruits, les secousses, le mouvement, la lumière. Je regarde le voisinage des papillons et des chats. Je refoule un désir de courir et de secouer la tête. Il ne suffit pas de fermer les yeux pour ne plus rien voir. Lorsque la peur me saisit et me paralyse désormais, je n’ai qu’une issue possible, mais cela fonctionne à chaque fois, je ferme les yeux. Je vois autre chose, autrement. En-dedans de moi. Je ferme les yeux si fort que sous la surface de mes paupières, une myriade de couleurs et de formes lumineuses viennent s’agencer et se mouvoir librement, de l’orange au bleu, du vert au jaune, en fonction de le pression de mes paupières supérieures sur mon globe oculaire. Aucune rémanence dans ces images qui ressemblent pourtant à un éblouissement. Pas de phosphènes. Rien à voir avec un flash, un éclair ou une étincelle. C’est plutôt un bruit de fond des cellules photoréceptrices de ma rétine, un phénomène que mon cerveau interprète sous cette forme de zones de couleurs mouvantes. Dans cette constellation de figures en mouvement, se forment des images qui me rassurent et m’apaisent. Dès que j’ai retrouvé mon calme, je me sens différente, transformée. Un nouveau visage.

« Il y a plus de calculs dans la transcription d’un texte dicté à Siri que d’étoiles dans la galaxie. »

Vivre avec ChatGPT, Alexandre Gefen, Éditions de l’Observatoire


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