Le principe des Todolistes quotidiennes de Christine Jeanney était assez simple, à partir d’une photo envoyée par un tiers (suite à un appel à participation), écrire une liste de quatre points ou occurrences ou choses à faire, à dire ou à penser, en réaction, en réponse, en écho à cette photo.
Chaque matin Christine Jeanney en choisissait une, « plutôt à l’instinct, dit-elle, sans idée préconçue, parfois sans même avoir regardé la photo trop précisément, je préfère, il y a là-dedans une sorte de logique qui m’échappe. »
Le résultat était mis en ligne à 00h01 sur le blog tentatives de Christine Jeanney.
Les 180 premières todolistes ont été publiées sur Publie.net : Les sirènes on ne les voit pas, un couvercle est posé dessus.
La lecture de l’ensemble de ces premières todolistes (l’expérience s’est poursuivit sur le blog de Christine Jeanney) et a donné sans doute lieu à une suite sur Publie.net assez différente Quand les passants font marche arrière ça rembobine, dans cet ouvrage clos, de celle qu’on a pu suivre au quotidien, sous la forme du feuilleton. J’aime beaucoup que l’on puisse, par exemple, passer d’une photographie à l’autre et aux texte qui y sont liés, de manière aléatoire.
Pour évoquer cette réjouissante parution, je me suis fixé à mon tour une contrainte de restitution, en partant cette fois-ci des photos que j’avais envoyées à Christine Jeanney, mais sans relire les textes qu’elle a écrit à partir de mes photos, et j’ai choisi de piocher dans ses textes pour écrire mes todolistes et lui rendre ainsi hommage.
ce qu’il criait on ne savait pas (s’interroger)
ça n’avait aucun sens cette façade factice, c’était se regarder dans un miroir
placer approximativement des indices comme les joues ou le front, tenter une parole double à direntendre, se faire flammèche, coopérer et émarger l’obscur, comme l’obscur est minable à côté de toi mais comme il te met en valeur
mais les couleurs, penser qu’elles ont toujours un dernier mot à ajouter derrière les panneaux refermés
penser que le vert presque blanc
penser que ce que l’on voit n’est pas ce que l’on croit et réciproquement
penser que c’est intime, s’approcher, le surprendre quand il est sans défense
retenir trace
comme une installation ils se regroupent, quel artiste a pensé à les assembler
penser un jeu d’enfants, ils joueraient à creuser, jouer à la mine, c’est déchirant un jeu qui ne joue pas (et qui serait abandonné, le jeu ou les enfants ?
rebrousser chemin et rentrer (ou le faire croire, car bien sûr qu’on resterait là, assis jusqu’à la nuit, certain d’être)
entendre des choses définitives comme C’est fermé, ou Tu vois bien qu’on n’a pas le temps, penser à la petite persévérance tendue, entière, penser aux renoncements qui navrent
penser que c’est écrit, une lettre vieille de milliers d’années
penser : il n’est pas indiqué l’emplacement du trésor ?
penser tomber alors fermer les yeux, et goûter la lévitation
quand on roule dessus on ne sait pas qu’on écrase une conversation
ne pas utiliser le non, il ne faut pas, l’ordre, la contrainte, ça ne serait pas juste
penser l’œil attiré vers le centre et le bec noir levé : c’est comme ça, l’humain cherche toujours ce que la lumière désigne pour lui donner un sens, comme le crabe marche toujours latéralement, chacun la permanence de son espèce
ensuite c’est plus complexe, on ne peut pas expliquer, les portes ne sont plus les mêmes, elles deviennent toutes dégingandées et dégondées et droites et drôles et impossibles à traverser, ne veulent plus être portes, on les caresse, la faim d’aller voir la suivante, ne pas courir, peur de rompre le charme (sourire mystérieusement)
lever la tête (tu crois qu’on peut lever la tête, qu’on verra quelque chose, plus loin, qu’il fera jour ?)