La boucle impossible est un livre écrit par Anne Savelli et Joachim Séné, dans le cadre de leur résidence d’écriture à Grand-Lieu. « Si les résidences s’inscrivent dans l’espace du lieu, écrit Arnaud de la Cotte dans sa préface du texte paru chez Joca Seria, directeur artistique de L’Esprit du lieu, le temps y a toute son importance ».

Le récit à deux voix proposé par les deux auteurs qui ont cofondé le collectif L’aiR Nu (Littérature Radio Numérique) et écrit plusieurs livres ensemble (À travers champs, Lisières limites) débute avec l’évocation du clip de la chanson À quoi je sers ? de Milène Farmer, sortie le 17 juillet 1989 en 45 tours, vidéo tournée à la même période sur le lac de Grand-Lieu, et dont un photogramme est repris sur la couverture du livre.

« Le personnage qu’elle incarne traverse un fleuve, une valise à la main. Elle se dirige vers les Enfers, où elle retrouve les héros des clips précédents. Sortis des Eaux, ils l’accompagnent. pour un ultime voyage, dont on a pu dire qu’il refermait une page, bouclait un cycle dans la carrière de la chanteuse. Brume, barque, roseaux, homme au chapeau et à l’œil noirs : dès les premières images, des éléments laissent croire que le lieu ne serait pas un lac mais le fleuve des morts, celui d’où l’on revient pas. »

En s’appuyant sur cette figure qui traverse l’espace et convoque les esprits du lieu qui s’incarnent en différents personnages, on entre comme par magie dans ce paysage en compagnie des auteurs qui, en résidence, ont écrit, décrit cet endroit. [1] « Plus loin à l’horizon, le lac se déploie, éternellement désiré, éternellement perdu ». Leurs voix envahissent peu à peu le texte.

Anne Savelli invite dans son texte Dita Kepler, un personnage virtuel évoluant dans un univers réel, qu’elle considère comme un décor et dont elle utilise à son profit certains éléments. Dita Kepler est un avatar créé sur Second Life (l’ancêtre du métaverse) « un espace virtuel où s’inventer, sans bouger de chez soi, des existences nouvelles ». Anne Savelli l’a déjà convoqué à plusieurs reprises dans différents textes, sur Remue.net par exemple, dans une version codée par Joachim Séné, Dita Kepler, journal du silence / journal de la lutte) pour lui faire jouer un rôle, celui de l’invitée qui, chargée de sa lourde valise pleine de pages de textes, doit traverser le lac.

En réponse à Dita Kepler inventé par Anne Savelli, Joachim Séné crée pour ce livre le personnage de Destroy Keeper, l’Ange destructeur, le Gardien de l’Oubli, double maléfique de Dita Kepler, dont le but est « de s’assurer de la disparition naturelle des œuvres créées autour du lac » et qui lutte contre la prolifération des œuvres, tandis que Dita Kepler qui se change « en décor, an animal, en pierre » tente de nous les transmettre. « C’est au moment de détruire que l’on veut sauver. C’est quand une autrice meurt qu’on décide de lui rendre hommage et d’acheter ses livres. »

« Tous ces êtres de papier s’échappent, quittent les souvenirs, les pages lues. Comme dans le clip, leur avancée est théâtrale. Ils gardent cependant la mémoire de leur mise au monde. »

Lecture de La Boucle impossible de et par Anne Savelli et Joachim Séné
sur la ligne de narcisses de l’œuvre de Delphine Bretesché Perséphone aux jardins de sainte Radegonde à Corcoué-sur-Logne. Le samedi 20 avril 2024.
Dans le cadre de la résidence d’auteur l’Esprit du lieu.