« Si longtemps après, il ne me semble pas risqué d’affirmer que la personnalité d’une génération est déterminée par les jouets que reçoivent ses membres dans leur enfance. « D’un point de vue irrémédiablement ludoforme », aurait dit Martín Mantra, la mienne était une génération liminaire qui batifolait au cœur même d’un moment transcendant de l’évolution du jouet. En quelques mois à peine, nous étions passés des petites voitures métalliques de collection et des soldats de plomb à traction sanguine (autrement dit l’âge de fer) à ces grands et lourds robots japonais à piles qui marchaient bruyamment et dont le thorax - un mot avec x ) s’ouvrait à certains moments pour dévoiler les canons d’armes laser (l’âge de l’électricité). Nous avons aussi connu les premiers pas d’un âge du plastique et de la construction (avec tout d’abord la consistance caoutchouteuse et et masticable de briquettes appelées Mis Ladrillos, puis la malléabilité nationale des Rasti, pour goûter ensuite à la nouvelle sophistication germanique des pièces creuses et importées qu’étaient les Lego), profitant à peine de ces plaisirs avec une intensité qui frisait la démence lorsque nous fabriquions de nos propres nains nos jouets cathartiques. »
Mantra, Rodrigo Fresán