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Au lieu de se souvenir (Semaine 36 à 40)

Chaque mois, un film regroupant l’ensemble des images prises au fil des jours, le mois précédent, et le texte qui s’écrit en creux.

« Une sorte de palimpseste, dans lequel doivent transparaître les traces - ténues mais non déchiffrables - de l’écriture “préalable” ».

Jorge Luis Borges, Fictions


Le silence enveloppe une grande partie des sons de telle façon qu’ils évoluent dans l’espace sans s’entraver les uns les autres, et qu’ils s’interpénètrent. Il n’y a pas de solution définitive à ce paradoxe, c’est pour cela que l’art existe. Rester en éveil dans le temps, attentif à ce qui disparaît, et désireux d’en fixer les traits à travers la fuite même du temps qui est un espace où toute vie se montre précieuse et menacée. Ce qui n’existe pas, ce qui n’est déjà plus, ou ne sera jamais. Est-ce qu’un mot peut contenir tout le reste ?

C’est un défi d’autant plus grand que de se risquer à la facilité, tout en demeurant très simple, très concret, très significatif. Le contour retient l’ombre, sa chorégraphie. L’insolite, l’étrange peuvent se trouver à deux pas de chez soi. Les feuilles sensibles frémissent au vent. Le souffle d’air passe, il filtre entre les pas tandis que le temps recule. L’éternité, c’était mieux avant. Le bleu du ciel échappe il ne retient pas la peur. Le fleuve n’est pas responsable de tout ce qu’il charrie.

On ne sait pas où l’on va, ni même s’il y a lieu d’en être affligé. On ne saisit presque rien, si ce n’est peut-être nos parts d’ombre. C’est de là que je viens. J’aurai, d’ici là, le sens du funèbre, comme on apprend l’art de la fête, et le sens de l’humour. Autre chose à dire, mais pas pour le moment. Sens de l’humour ci-inclus, dans le sens du renversement – ça va de pair, c’est selon. Quelquefois nous serions temporairement hors service. Refusant soudainement de nous lever. Le doux plaisir des draps. Prétextant n’importe quoi. En déchirant le silence.

Ne pouvoir emmagasiner que sensations, images et mots. Masse d’informations anciennes, sensations fugitives, bonheurs éphémères, souvenirs. Quand on se parle intérieurement, on gagne en densité. Chaque regard porté sur le paysage intègre les traces de l’existence passée. C’est tellement plus facile, pour masquer tout ce qui ne ressemble à rien. Évidemment, cela a aussi ses inconvénients. Et moi je me dis que l’on touche quelque chose de très en arrière. Petits restes de sensations bordées de détails.


LIMINAIRE le 24/04/2024 : un site composé, rédigé et publié par Pierre Ménard avec SPIP depuis 2004. Dépôt légal BNF : ISSN 2267-1153
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