Il semble que notre problème, en cours de route, ait tout à fait changé. Nous demandions quelle était la nature des compatibilités et des incompatibilités alogiques entre les évènements. Mais, dans la mesure où la divergence est affirmée, où la disjonction devient synthèse positive, il semble que tous les évènements même contraires soient compatibles entre eux, et qu’ils s’entr’expriment.
L’incompatibilité ne naît qu’avec les individus, les personnes et les mondes où les évènements s’effectuent, mais non entre les évènements eux-mêmes ou leurs singularité acosmiques, impersonnelles et pré-individuelles. L’incompatibilité n’est pas entre deux évènements, mais entre un évènement et le monde ou l’individu qui en effectuent un autre comme divergent. (...)
Le problème est donc de savoir comment l’individu pourrait dépasser sa forme et son lien syntaxique avec un monde pour atteindre à l’universelle communication des évènements, c’est-à-dire à l’affirmation d’une synthèse disjonctive au-delà non seulement des contradictions logiques, mais même des incompatibilités alogiques. Il faudrait que l’individu se saisisse lui-même comme évènement.
Gilles Deleuze, Logique du sens.