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Les surveillants de la ville en travaux

Umarell est un terme populaire utilisé à l’origine dans le dialecte bolognais avec le sens générique de petit homme, omarello, qui désigne les retraités qui, les mains derrière le dos, passent leur temps à errer sur les chantiers, en particulier les travaux routiers, à observer le travail des ouvriers, en leur offrant leurs conseils non désirés.

Ce terme a été popularisé à partir de 2005 par l’écrivain Danilo Masotti dans son livre Umarells- Anziani Urbani per le vie della città (Les anciens dans les rues de la ville), sur son site et sur son blog Umarells. En décembre 2020, le mot a été ajouté dans le dictionnaire Zingarelli :

« Retraité qui se promène, le plus souvent les mains derrière le dos, sur les lieux de travail, pour vérifier, poser des questions, faire des suggestions ou critiquer les activités qui s’y déroulent. »



Sur son blog, Danilo Masotti a invité ses lecteurs à lui envoyer des photographies de personnes âgées absorbées dans l’observation des chantiers de leur ville. Parfois seul, souvent en groupe, mais trouvant tous, dans cette activité contemplative et les échanges sur le travail en chantier qui en découlent, un remède à leur ennui.

Danilo Masotti les compare à des « surveillants urbains » qui contrôlent l’avancement des travaux dans le quartier, en commentant ce qui va et ce qui ne va pas. « Ils sont nombreux, ils vivent parmi nous, ils nous observent et nous les observons. » La ville de Riccione a alloué en 2015 11 000 euros pour que les Umarell contrôlent les travaux dans la ville. San Lazzaro du Savena, village de la métropole bolognaise, a créé le Prix Umarell de l’année, tandis que la municipalité de Bologne a nommé une place à leur nom, en reconnaissance de leur valeur sociale et de leur inscription dans l’identité de la ville.

Il existe également une application donnant la carte des travaux en cours pour leur faciliter la vie. Fabio Concato a récemment composé une chanson L’Umarell qui évoque la nostalgie des « surveillants urbains » en période de confinement.

« Si l’attrait visuel a certainement facilité le succès populaire du terme, fait remarquer Andrea Beltrama sur le site Rivista Studio, le succès de l’umarell doit aussi beaucoup à ce que les linguistes appellent la signification sociale du terme : le flux d’idées, d’associations, d’émotions qui sont normalement véhiculées par un mot, et qui vont au-delà de sa simple définition dans le dictionnaire. Chaque fois que nous utilisons le mot umarell, en fait, nous évoquons non seulement la figure d’un retraité regardant des chantiers, mais aussi tout ce que cette figure représente : entre autres choses, une vieillesse active, sociale, peut-être un peu ennuyeuse, mais fondamentalement saine. Ce dont nous nous moquons avec sympathie, mais que nous respectons profondément. C’est précisément cette connotation universellement positive, sur laquelle nous sommes tous plus ou moins d’accord, qui a fait de l’umarell quelque chose avec laquelle nous nous identifions non seulement facilement, mais aussi volontairement. Non seulement parce qu’elle nous inspire le rire et la plaisanterie, mais aussi parce qu’elle nous détourne de représentations moins idéalisées, tout aussi vivantes et décidément plus dérangeantes de la vieillesse. »

Bruxelles, Belgique, photographie de Henri Cartier-Bresson, 1932

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