| Accueil
Vases communicants

Hier, ailleurs, casse du siècle. Préparatifs au moins. Décider sans attendre et à l’unanimité moins un que la vraie voie pour avancer c’est bien le niveau du bas : celui qu’on voit pas sur la carte. Voilà le plan, voilà l’envie, comme ça qu’on creuse. Littéralement même.

Le niveau du bas, celui qui chlingue, traverse la ville et qu’on voit pas. Départ usine, passe sous l’école, la banque, la Poste, la chaudronnerie. Même le cimetière pas épargné. Même les restos, les baraques, les hôtels, s’il en reste, et même, et même, le magasin de tondeuses. Le niveau du bas, celui qui chlingue, décalque à même le sol, loin dans la terre, dessous les chiottes du maire, la silhouette brute d’une ville entière. Celle-ci.

Dans la ville parallèle (celle du bas, celle dessous, celle qui chlingue) faudrait gravir armé de patience les grosses tonnes de gravats qui obstruent jusqu’au cœur de l’en bas. S’est cassé la gueule, dessous, ce qui tient encore à la surface mais qui menace de choir. C’est dire si traverser la ville par l’envers du goudron, aussi appelé la mine je crois, c’est une idée niquée. C’est dire si c’est juste idéal pour faire le casse du siècle. Pour déboiter l’idée même de la ville.

La percée s’embourbe passé Verdun : l’avenue qu’on devine plusieurs mètres au-dessus des crânes. Pour ça que l’expédition est en petit comité. Pour ça aussi qu’on filtre à la taille avant d’admettre les mecs qui vont descendre. Charcuter la ville par dessous ça demande une certaine condition physique. D’autres appellent ça spéléo, pour nous c’est juste essayer de suivre.

Une fois dépassé, les genoux dans la merde, le canal qui coupe la ville en deux, remonter comme des rats qui répondraient à l’appel d’air. Pour savoir dans quelle direction tourner suffit d’un briquet Bic, un pouce pour l’actionner, et voir vers où se couche la flamme. L’appel d’air aspire tout, même nos corps caverneux répercutés en bas. C’est l’appel d’air qui permettra de faire tomber surface au bon endroit, de démonter la bouche, la bouche d’égout, cour intérieure, qui nous sépare du but qu’on s’est fixé.

Le but qu’on s’est fixé est mieux qu’une banque, est mieux qu’un coffre, qu’un secret bien caché, même mieux qu’une tombe, une grotte ou les sujets cachés du bac. Le but est même pas verrouillé sérieusement. Une fois pété la gueule d’égout au pied de biche, une fois au cœur de la cour intérieure, une fois fenêtre brisée, une fois la porte ouverte, les papelards qu’on est venu prendre sont juste à notre portée. Leur forme s’appelle classeur, dossier, bureau, on sait pas trop, mais même quand on sait pas et bien on sait quand même. On sait juste qu’ils y sont et qu’il suffira de tendre : de tendre la main boueuse pour les avoir. Et une fois qu’on les aura, ces cartes du territoire, ces bouts de cadastre éparpillés, je pourrais te dire ce qu’on osera viser, je pourrais te dire ce que le casse du siècle vaudra et voudra dire, je pourrais te le dire, ouais, et même le penser.

Le premier vendredi du mois, depuis juillet 2009, est l’occasion de vases communicants : idée d’écrire chez un blog ami, non pas pour lui, mais dans l’espace qui lui est propre. Autre manière d’établir un peu partout des liens qui ne soient pas seulement des directions pointant vers, mais de véritables textes émergeant depuis.

Pour les Vases communicants n°16, je suis très heureux d’accueillir Guillaume Vissac.

Le texte diffusé aujourd’hui sur son site Omega Blue est un nouvel extrait des Lignes du désir, texte en cours d’écriture, dans le cadre de ma résidence d’écrivain à la Librairie Litote en tête, soutenue par la Région Île-de-France.

Listes de vases communicants du mois d’octobre 2010 :

François Bon et Daniel Bourrion

Michel Brosseau et Joachim Séné

Christophe Grossi et Christophe Sanchez

Christine Jeanney et Piero Cohen-Hadria

Cécile Portier et Anne Savelli

Juliette Mezenc et Louis Imbert

Michèle Dujardin et Jean-Yves Fick

Guillaume Vissac et Pierre Ménard

Marianne Jaeglé et Jean Prod’hom

David Pontille de Scriptopolis et Running Newbie

Anita Navarrete-Berbel et Gilda

Matthieu Duperrex d’Urbain trop urbain et Loran Bart

Geneviève Dufour et Arnaud Maisetti

Jérémie Szpirglas et Jacques Bon

Maryse Hache et Candice Nguyen

Nolwenn Euzen et Olivier Beaunay

Lambert Savigneux et Brigitte Célérier


LIMINAIRE le 24/04/2024 : un site composé, rédigé et publié par Pierre Ménard avec SPIP depuis 2004. Dépôt légal BNF : ISSN 2267-1153
Flux RSS Liminaire - Pierre Ménard sur Publie.net - Administration - contact / @ / liminaire.fr - Facebook - Twitter - Instagram - Youtube