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Récit poétique à partir d’images créés par procuration

Créer à partir de textes des images conçues par le biais de l’artefact génératif DALL-E, écrire un texte en regard de ces images.


Anima Sola #7

Je caresse l’ombre épaisse des grands arbres de la place. Les feuilles frissonnent dans la chaleur du jour. Je sens le souffle du vent sur ma peau. Les ombres se mêlent, je ne distingue plus les feuilles de leurs ombres. Leur danse sensuelle dessine des motifs chatoyants qui ne se figent pas, sans cesse mouvants. Formes évanescentes d’entrelacs aux motifs enlacés qui rappellent les contours finement brodés du dessin de mes tatouages. Sur ma peau les traces d’anciennes blessures, les coupures, les incisions, les griffures, les piqures, toutes les scarifications passées, les cicatrices causées par les accidents de vélo, les sortie de route en voiture, les piqûres de méduse et les brûlures de la peau qui laissent des traces comme autant de repères. Souvenir d’une chute, d’une blessure, d’un choc. Je ferme les yeux pour ne plus voir ce qui m’entoure, une forme de parenthèse, un sursis, soudain je deviens visible aux yeux des autres, je m’offre à leur regard, je me me dévoile, à nue. Je ferme les yeux pour ne plus me laisser envahir par toutes les images qui m’assaillent habituellement, m’entêtent. Je me replie sur moi pour laisser place aux images intérieures, comme si j’entrais à pas lents dans la pénombre d’une grotte. Je tâtonne les premiers mètres, sans repères. Les sons se perdent dans le vide infini. Je me sers de mes mains tendues pour toucher tout ce qui m’entoure, tenter de me repérer tant bien que mal pour ne pas tomber, avancer au ralenti tout en m’habituant à la pénombre. Les bruits de mes pas, de ma respiration ralentie emplissent le volume d’air intérieur. J’entre dans le sombre. Je ferme les yeux, fais ressurgir toutes les images enfouies, comme au cinéma, dans la pénombre de la salle obscure où j’assiste à la projection d’un film. Et soudain, les yeux fermés, dans cette vulnérabilité, cette disponibilité, je laisse les images m’envahir, m’encercler. Je ne suis plus dans le noir, mais entourée de lumières, de motifs tournoyants, des formes colorées. Ces images recouvrent mon corps. Je m’y projette. Fleurs, papillons, oiseaux. Arbres, astres, insectes. Empourpré des reflets du matin, mon visage est plus rose que le ciel. Je ressens devant moi ce désir de vivre qui renaît chaque fois que je prends de nouveau conscience de la beauté et du bonheur. Je suis reconnaissante envers les gens qui me rendent heureuse. Mais avec elle c’est différent. À mes côtés, elle m’accompagne. J’aime la sentir proche de moi. Certaines mimiques en elle m’agacent autant qu’ils me séduisent. Dès qu’elle s’éloigne, ces signes insupportables se mettent à me manquer cruellement. Je ne respire plus de la même façon quand elle est loin de moi. J’aime la regarder à la dérobée, lorsqu’elle est concentrée. Les yeux dans le vide. Dans l’écoute d’une musique ou d’une réflexion intérieure. Elle s’offre à moi dans cette absence. Cette disponibilité sans but. Je décèle comme un éclat phosphorescent dans ses yeux clairs. Je souris entre des balbutiements et des espérances. J’observe son désir dans ses yeux. Je ne cherche pas de nouveaux paysages, je voudrais juste les voir autrement, trouver un nouveau regard. Je n’arrive pas à changer comme je le souhaiterais les choses suivant mon désir. Elle me répète que je dois être plus patiente. Peu à peu mon désir change. Mon corps menace mon esprit en permanence. Je ne sais plus comment réagir. Je suis trop impatiente de sortir de moi-même. Elle m’attend tendrement. Je contourne la méticuleuse réalisation de ses désirs. Elle se dédouble en moi. Je sens qu’elle n’avouera jamais la vérité. Une heure n’est pas qu’une heure, c’est une promesse de bonheur, un commencement de beauté. Des repos d’intervalle, et des sursauts inespérés. Les choses éclatantes qu’on ne fait généralement que par à-coups. Je me remémore ma jeunesse s’écouler, s’effeuiller lentement comme une triste couronne.

« La photographie n’a de sens que si elle épuise toutes les images possibles. »

Italo Calvino, L’aventure d’un photographe, in Aventures, Seuil.


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