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Récit poétique à partir d’images créés par procuration

Créer à partir de textes des images conçues par le biais de l’artefact génératif DALL-E, écrire un texte en regard de ces images.


Anima Sola #18

Je demeure sans bruit sur le seuil. La tête penchée. Je ne sais pas ce qui m’arrive, je me sens essoufflée, je ne parviens pas à respirer, la bouche obstruée, pas un souffle d’air ne réussit à s’en échapper. Mon cœur s’accélère, la peur d’étouffer. Je remue mes lèvres en vain, mes joues en tous sens sens, je tente d’ouvrir la bouche mais elle reste fermée. Je respire par le nez, avec l’angoisse qui m’envahit. Ma poitrine se contracte malgré moi, mes jambes flageolent, le sang n’afflue plus à vitesse normale pour irriguer mon cerveau. Je sens ma tête tourner. Un corps étranger prend tout l’espace à l’intérieur de ma bouche. Impossible de savoir ce que c’est. Lorsque je parviens enfin à ouvrir ma bouche pâteuse, des pétales de rose s’en échappent. Je sens leur surface duveteuse malgré l’humidité de ma bouche. Les pétales tombent une à une dans la paume de ma main, recomposant de toute pièce une rose entre mes doigts. Je la laisse affleurer à la surface. La surface rouge des pétales s’oxyde et brunit telle une vieille rose qui sèche avec le temps. Je la chasse d’un revers de main désespéré. J’ai dans la bouche un goût de métal et de cognac. Je fuis toute la bizarrerie de ce hasard. Je n’ai pas de raison de parler, je suis seule, mais là c’est différent, je m’y sens obligée pour vérifier que ce qui m’est arrivé n’a plus cours. J’articule un mot comme on fait certains gestes pour s’étirer et mettre ses membres en mouvements, pour se détendre ou chasser une douleur passagère. Je bredouille, murmure entre mes dents, mais aucun mot ne sort de ma bouche. Rien, pas un son. À peine un souffle. Mes phrases restent coincées dans ma tête. Je les prononce intérieurement mais sans les entendre distinctement. Hors de moi. Ma bouche ne parvient pas à les articuler. L’inquiétude refait surface et s’empare à nouveau de moi. Je sens la chaleur monter en moi, m’envahir. Cela prend la forme d’une aveuglante lumière vive monter en moi par vagues qui recouvrent tout mon corps jusqu’à le faire disparaître dans une blancheur fantomatique, un halo irréel, irradiant de blancheur. Les bras d’un danseur invisible font tournoyer si vite mon corps tournoyer que je ne maîtrise plus aucun de mes gestes, toupie désorientée, girouette sans contrôle, tournant sans fin sur elle-même. Je sens comme une odeur de sueur. La peur assurément. Je ne me contrôle plus. Je me sens disparaître. Je me dissous dans la lumière et la couleur d’un embrasement qui brûle mon corps et ravit tout autour de moi. Des images se fixent par intermittence sous mes pupilles dilatées, flash lumineux que je perçois sans en comprendre l’origine. Je marche à travers les champs de blé et de tournesols. Je signale un ciel pâle comme l’aube. Ces mots s’imposent à haute voix. Je prononce des paroles de consolation et d’espoir. Il n’est pas trop tard. Je veux croire qu’il n’est pas encore question de fuite ou d’échappatoire, plutôt de délivrance, de réhabilitation.

Toute photographie, avant d’être un miroir, est une spéculation, étant donné qu’elle est essentiellement une manipulation plus ou moins consciente. Le mythe du miroir se brise tout comme se brise l’analogie entre objet et image, comme se brise l’analogie entre les choses et les mots.

Le boîtier de Pandore, Joan Fontcuberta, Textuel


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