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Récit poétique à partir d’images créés par procuration

Créer à partir de textes des images conçues par le biais de l’artefact génératif DALL-E, écrire un texte en regard de ces images.


Anima Sola #1

J’entends une voix qui vient des rêves. Cette voix elle me parle sans arrêt. Cette voix est douce. Je ne la reconnais pas, elle change sans arrêt. Cette voix parle de moi. Elle dit : Le monde s’assombrit. Elle dit : Pour regarder une personne, il faut se trouver en face d’elle. Elle confirme : Les fantômes sont des existences qui visitent. Ce qu’elle dit n’a rien à voir avec moi, bien au contraire. Elle parle de moi, elle s’échappe de moi, de mon corps. Mon corps est l’endroit de sa venue, son point de départ. Il peut s’agir d’une simple phrase. Il arrive parfois que la phrase soit plus longue, parfois complexe, et même incompréhensible. Je l’entends souvent sans y penser. Sans réfléchir à rien. Sans parler. Sans bouger. Quand je ne dis rien je pense encore. Pendant que je travaille, l’esprit occupé, distrait ou concentré. J’achète des choses utiles, des pull-overs pour l’hiver. Mais je confectionne également certains de mes vêtements. J’aime coudre et repriser. Rapiécer et tricoter. Lorsque je tricote je me laisse porter par le geste. Je tricote sans un regard. Les mains s’activent, mécaniques. Leurs mouvements réguliers. Je disparais dans ce mouvement, dans cette régularité. J’arrive doucement pour ne pas déranger. Je me réfugie dans l’armoire de ma chambre. Je suis ailleurs. Je suis partout. C’est une impression qui s’empare de moi. Je me sens loin de moi. Je me tiens à distance. La voix me le rappelle sans cesse. Je fais semblant d’être là, mais mon esprit est ailleurs. Mon esprit me joue des tours. Je crois que je réfléchis mais je ne pense à rien. J’ai l’impression d’être dans la tête de quelqu’un d’autre, quelqu’un qui parle à voix basse, qui marmonne. Quelqu’un qui n’ose pas dire les choses clairement, qui parle en lui-même pour qu’on ne l’entende pas, pour ne pas déranger. Cette pensée est en moi. Comme cette voix qui m’obsède. Cette voix qui s’est emparée de moi. Je fuis trop de poussière en suspension dans l’air. Ces petits grains de poussière sont des étoiles dans le firmament. Des points de repères que je ne parviens pas à fixer. Des idées qui m’échappent. Un temps du passé. Un souvenir lointain. Des rêves dont je ne me souviens plus au matin. Les premiers mots pour les noter, tenter de les enregistrer effacent leurs dernières traces évanescentes. C’est comme ouvrir un appareil photo et voiler la pellicule à l’intérieur. Les traces lumineuses qui brûlent l’image qu’on révèle. Dans l’incertitude ce qui nous échappe, cette trop vive lumière, le doigt sur la bouche en signe de silence, mais tais-toi donc. Je refuse que mes rêves se traduisent par de grands soubresauts. Je veux simplement garder une image précise d’eux. Un paysage d’été. Une odeur de fruit mûr, d’herbe fraîche. Le sel sur ma peau dorée. Un regard complice. Une caresse. Ouvrir les yeux dans cette trop vive lumière du matin, la douleur brûle les rétines et l’image piquetée de points noirs. Constellations lumineuses, feux follets qui fascinent un bref instant au moment où dans l’obscurité l’instant suivant ils s’éteignent. Lorsque l’image de mon rêve s’est enfin effacé. Lorsque je ne parviens plus à entendre cette voix dans ma tête. Que les bruits du dehors ont repris toute la place. Je ne veux rien entendre. Je ne veux plus rien voir, c’est insupportable ces bruits. J’ouvre les yeux. Je me lève dans la maison profonde et silencieuse. Le calme de la pièce à l’abandon. Je reste là sans rien faire, très longtemps. J’aime tuer le temps.

« La surface de l’image n’est qu’un stimulus, c’est un certain point qui fonctionne comme une ancre vers un lieu et un temps, c’est un répertoire, un chemin, un lien vers des souvenirs et des sentiments. Nous avions l’habitude de dire qu’une image vaut mille mots, mais aujourd’hui, un mot peut produire une infinité de variations d’images, inversant ainsi cette relation. »

Maria Maropoulou, Imagined images


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