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Journal versatile #5

Depuis quelques jours, j’écoute en boucle la playlist Rewind 2016 de Jérôme Denis sur Scriptopolis) Ce qu’il en dit est tout un programme :

« J’ai lu des textes, j’ai vu des danses. Des corps grandir. Des visages s’affirmer. Des mots et des fous rires. Leur chaleur nous guide dans la bruine et le vent qui ne s’arrête jamais. Leurs étreintes nous préservent des chutes. Leurs frayeurs concentrent nos attentions. Leurs baisers nous apaisent. Ni dedans ni dehors. Chaque jour embrassé, leur départ à l’horizon. Le sol cette année a montré des signes de faiblesse, s’est effrité par endroits. Mais la forme de mon corps est trompeuse, je suis fait pour les airs. Je me réhabitue à voler.
Ça n’écrit plus qu’ailleurs. Comme travail, à tout instant. Et la nuit s’il fait froid dans un espace encore bien vide où résonnent la voix des morts et les pas des vivants. »

Il faudra que je m’interroge un jour sur l’état de ma mémoire. Je me rends compte régulièrement que j’ai oublié un détail, une anecdote, que cela touche ma vie ou celle d’autrui, une manière de distraction qui fait que je n’enregistre pas ce qu’on me dit, ce qui m’arrive. Un film que je vois, un livre qu je lis, j’oublie très vite de quoi il parle, comment l’histoire se termine, l’avantage c’est que je peux relire sans problème un livre, revoir un film plusieurs fois de suite, même les films dont l’intrigue perd de son intérêt à la rediffusion, j’ai toujours plaisir à les revoir. « Parfois, une page vide présente plus de possibilités… »

Le souvenir d’enfance de Caroline dont je comprends à son regard que je devrais m’en souvenir, je n’en garde aucune trace, j’ai l’impression que c’est la première fois qu’elle l’évoque. En Corse, alors qu’elle s’amusait avec des allumettes ou un briquet, elle ne se souvient plus, les brindilles auxquelles elle a mis le feu s’embrasent plus vite qu’elle ne l’imaginait, le spectacle qu’elle observe tout d’abord fascinée, lui fait peur en prenant de l’ampleur. Elle s’éloigne du feu, puis s’échappe pour rejoindre ses parents. Elle n’ose pas leur avouer qu’elle vient de mettre le feu à une parcelle du jardin, mais les prévient finalement d’un départ de feu en prenant l’air innocente, sans leur dire qu’elle en est responsable. Son père et son oncle se précipitent pour éteindre, non sans difficulté, ce début d’incendie. Elle a dû le raconter ce souvenir intime, secret, plusieurs fois, elle en est persuadée et je la crois même si je n’en ai pas le moindre souvenir.

Ne pas sortir de la journée de l’appartement, rester bien au chaud, derrière l’écran, sous prétexte qu’il fait froid, le ciel gris.

Travail de nuit sur l’ordinateur à relire le texte sur les visages : Du don des nues. J’écoute l’album Music for Airports de Brian Eno avec Robert Wyatt et Rhett Davies, quatre morceaux datant de 1978 qui s’inspirent des travaux des compositeurs minimalistes américains, et reposant sur des nappes mélodieuses sur fond sonore très calme. Ce disque a été créé à l’origine afin de permettre aux personnes habituellement stressées dans les aéroports de se calmer au moment de prendre leur avion.

Circuler, il n’y a rien à voir !... Idéal pour écrire.

Cet utilisateur de la bibliothèque me tend un disque compact qu’il a emprunté, il s’agit de la lecture de la nouvelle de Barbey d’Aurevilly, Le rideau cramoisi lu par Jean-Noël Lasvigne, paru aux éditions Le livre qui parle, et me signale un problème sur l’un des deux disques. Il m’annonce d’un air très sérieusement que sur le deuxième disque il a toute autre chose que la nouvelle de Barbey d’Aurevilly mais des voix qui parlent du 11 septembre. J’écoute le disque. Pas une autre voix que celle de l’acteur lisant le texte de la nouvelle. La pluie fine rend le sol glissant, les lumières des néons colorent les pavés de la rue. Sol vert réjouissant. Douceur de l’air. La bruine imperceptible en fines gouttelettes en masque sur mon visage. Baume au cœur.

Cette année j’ai décidé de ne pas prendre de photographies des sapins abandonnés dans la rue après les fêtes de fin d’année. À chaque fois que j’en croise un, je me rappelle désormais notre appel à participation à photographier des sapins dans la rue, lancé il y a deux ans pour l’édition du recueil Lendemains de fête, édité par Publie.net, en référence à la nouvelle Qu’est ce que tu vas faire de 390 photos d’arbres de Noël ? écrite en 1964 par Richard Brautigan, dans son recueil Tokyo Montana Express. Le site Nos 390 sapins est toujours en ligne.

Antoine Biron, La magie de Noël

En 2013, le photographe français Antoine Biron a réalisé une série sur les sapins délaissés sur un bord de trottoir à Paris au mois de janvier. Une belle série nocturne en forme d’hommage à ces arbres abandonnés dans la rue après les fêtes.


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