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Au lieu de se souvenir

Chaque jour, un film d’une minute, chaque lundi, la compilation du journal vidéo de la semaine précédente, et le texte qui s’écrit en creux.

« Une sorte de palimpseste, dans lequel doivent transparaître les traces - ténues mais non déchiffrables - de l’écriture “préalable” »

Jorge Borges, Fictions

Un récit sans début ni fin. Le temps manque pour reconstituer chacune des épreuves. Regarder le ciel. Le bord des immeubles contre le ciel. Dans les hautes vitres, la lumière du matin. En face et au-dessus. Des reflets du ciel. Son propre reflet dans les fenêtres. Comme une limpidité de l’air.

Les jours se suivent. Leur transparence. L’opacité trop claire de cette transparence. Des lieux de passages. Reflet de surface, des reflets vides. Écoutant dans la distance, je ne parviens pas toujours à entendre la distance. A l’écart, creuser la trace et ses textures.

Au sol, les bouillonnements gris bleutés des gonflements du bitume parisien ballonné par une énergie souterraine, comme les racines des arbres qu’il ne parvient pas à contraindre, me rappellent ces cartes sans nomenclature qui paraissent irriguées de veines rouges plus ou moins épaisses : écorché vif et peau du monde.

Le climat est doux, il n’y a pas de doute à ce sujet, prêt à tirer le rideau sur mes membres de phrases et conjonctions. Mais peut-être ai-je mis trop de blancs pour atteindre le mot suivant, le silence. Ceci nous amène à nouveau à la question ennuyeuse des désirs : sont-ils intérieurs ou plutôt semblables à des pays étrangers.

Observant les lueurs lumineuses à la surface de l’eau. Le manque de certitude, de direction, de durée, est son propre argument. Le papier froissé dans ta poche. Sa couleur réelle est sans importance, mais sa présence révélait quelque chose d’essentiel. Chercher des indices. Chemin à faire en soi même pour que l’écriture fasse sens : champs de tension qui a à faire avec le souvenir, l’inconscient, les cases secrètes de la relation aux autres.

La marque de sa disparition, ne laissant affleurer que son envers, son empreinte négative. Les usages changeants des mots « chez nous » correspondent à une pâle lumière. La maison est claire, lumineuse même, comme la mémoire. Impossible de distinguer les formes et le bout de ma langue. Un souvenir nous emporte dans la rue d’une autre ville, à l’étranger. Et soudain nous y sommes transportés, tous ensemble. Hier comme aujourd’hui. Me laisser porter c’est l’idée de départ.

Si je vois mon passé, c’est lui qui me regarde. Ce pourrait être mon enfance. La puissance des mots, si l’on travaille avec les mots. La puissance des images si l’on travaille avec les images. Je suis ici comme un aveugle. Le principe du souffle. Un mot suffirait : le mélange. Le montage est un battement de cœur. Une histoire de famille. Des liens d’émotions et de rythmes.


LIMINAIRE le 19/04/2024 : un site composé, rédigé et publié par Pierre Ménard avec SPIP depuis 2004. Dépôt légal BNF : ISSN 2267-1153
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