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La Place de la République

Suite du Journal de bataille que j’ai entrepris en lisant dans le Petit Journal du Tiers Livre de François Bon le journal des chantiers tenu par Piero de Belleville dans les commentaires du site, je reprends en écho mon journal, après le deuxième épisode accueilli par Piero Cohen-Hadria pour les Vases communicants, le troisième épisode était consacré au chantier du tram T3 Paris Nord-Est, voici un nouvel épisode sur le chantier de la Place de la République.

Chantier de La Place de la République en 2012

Dans un récent article paru dans le journal Libération, Place de la République, allégorie d’un vide mortifère, Pierre Marcelle regrette l’ancienne disposition de la Place de la République :

« Avant, les voitures tournaient sur et à travers la place, irriguant comme une onde de métal son terre-plein central. Depuis le 16 juin, triste dimanche inaugural de sa rénovation, elles la traversent à double sens sur trois côtés seulement (dans l’axe du faubourg du Temple, le nord est perdu à la circulation), dans des hoquets de trafic que régulent une quarantaine de feux de signalisation. Les encombrements sont à l’avenant, assez dissuasifs pour constituer le dernier cauchemar capital de la corporation des taxis. Et ainsi le premier objectif de la Ville - écœurer le roulant - se trouve-t-il accompli. »

Chantier de La Place de la République en 2012

Pierre Marcelle regrette l’absence d’un geste architectural faisant remarquer que l’aménagement du terre-plein central n’a pas embelli la place : « une esplanade d’une infinie platitude, une dalle lisse pavée de trois nuances de gris minéral, avec pour seul relief, sur un seul flanc, une huitaine de marches, comme pour rattraper le niveau. »

Pianiste sur la Place de la République, en juin 2013

Dans sa chronique du Figaro, Adrien Goetz rejoint les analyses de Pierre Marcelle sur le réaménagement de la célèbre place parisienne, qui efface selon lui, un lieu témoin de l’histoire de France, n’hésitant pas à parler de vandalisme officiel : « L’une des plus belles places françaises du XIXe siècle, haut lieu de notre histoire au XXe siècle, vient de mourir sous nos yeux. »

Ceci dit, Adrien Goetz est dans le vrai lorsqu’il fait remarquer que « L’erreur tragique est aussi d’avoir conçu un parvis qui n’est pas relié à un quartier : les voitures passent encore du côté le plus commerçant, et l’axe « rendu aux piétons » est, de manière absurde, celui qui longe la caserne. Les rues voisines, qui ne verront pas venir les promeneurs de la place, ne vont pas profiter de ce faux centre tape-à-l’œil qui n’est le centre de rien. »

Sortie du métro sur la Place de la République, en juin 2013

Depuis l’inauguration de la place j’y suis passé deux fois cet été, deux jours très différents, un dimanche ensoleillé et un jour de semaine nuageux, et j’ai pu me rendre compte des changements apportés et du potentiel de la place transformée en esplanade.

Une esplanade qui ouvre l’espace de la place et met en valeur la Statue au centre, entourée par un bassin, une dalle lisse pavée de trois nuances de gris minéral, d’impressionnants bancs de bois, un « café Monde et Médias » qui n’ouvrira que le 13 juillet, un miroir d’eau qui le reflète et le jouxte, sorte de flaque à vocation de pédiluve, sur un plateau de planches, une estrade (pour des concerts, un solarium, on ne sait pas bien (quand j’y suis passé il était détourné par les skaters qui s’en servait comme tremplin), tout près à l’est de la place, l’R de jeux, première ludothèque en plein air de la capitale qui prête des jeux de société à un public concentré, installé autour de tables rouges.



Une fois qu’on a fait l’état des lieux avec la réserve qu’on peut y mettre, on se rend un dimanche ensoleillée sur la place et tous nos doutes, nos regrets s’envolent. La place est vivante, elle est dynamique, elle retrouve une ampleur qu’elle n’avait plus depuis longtemps, et l’on s’étonne devant ces enfants qui pataugent dans le miroir d’eau, sorte de bassin à brumisateur, de découvrir que les piétons côtoient à l’amiable les vélos, les rollers et les skaters. Et tout ça roule étonnement, rythmant l’esplanade mieux qu’un manège.

La Place de la République, en juin 2013

La surprise de voir des jeunes assis par terre, pourtant moins agréable qu’aurait pu l’être un parterre de gazon, déjeunant en paix, ravis d’être là en plein milieu de la place, sous l’ombre discrète d’un arbre, mais on a pris l’habitude d’envahir la ville dans ses variétés urbaines, voire la foule incroyable qui, dès les premiers beaux jours, envahit les bords du Canal Saint-Martin pour s’y retrouver entre amis, boire et manger. Les larges bancs en bois brut (pas très confortables mais résistants) sont tous utilisés, et dans toutes les positions, assis, personnes âgées, jeunes filles en fleurs et touristes prennent le soleil et se reposent. Certains s’y allongent tout du long.

Un autre jour, la place est totalement modifiée, le chantier semble revenu, mais sous une forme un peu différente de celle qui a duré plus d’un an et demi, un concert se prépare en effet, et sur la place retrouvée, les constructions des estrades et de la scène qui prend forme, emplit naturellement tout l’endroit, là où d’habitude, la mise en place était plus compliqué avec la circulation centrale notamment.

On peut dire que l’essentiel des travaux a consisté à renverser l’équilibre du partage de l’espace, en créant une grande esplanade centrale, en transformant l’espace dévolu aux voitures en espace piéton. Un seul regret, l’absence de pelouse et le manque de zones d’ombres (malgré les vingt-trois arbres supplémentaires ont été plantés). Le potentiel de cette nouvelle place dépend également des activités culturelles qui permettront de l’animer.

Habituel point de ralliement politique et festif, la place prend mieux en compte désormais cette dimension, mais elle est aussi devenue un lieu propice à la flânerie, un îlot de repos au milieu de la ville. Paris ne doit pas être une ville musée, des gens y vivent, s’y promènent et y travaillent. Cette place est la leur, la nôtre.


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