Nicolas Gary vient de publier l’information de la prochaine transformation de rames du métro de Buenos Aires en bibliothèques sur le site Actualité :
« Les autorités locales ont pour projet d’offrir la première fournée de livres qui constitueront le stock mis à la disposition du public. Par la suite, ce sera aux usagers eux-mêmes de partager et emprunter des livres.
Pour le secrétaire culturel de la Ville, Hernán Lombardi, ce recyclage culturel est quasiment bouclé : ne manquent que quelques autorisations. « C’est un système qui fonctionne bien en Europe. Là-bas, les habitants laissent leurs livres sur des bancs dans des parcs, et en prennent d’autres. Ici, au lieu de bancs, nous aurons les rames de métro », explique-t-il.
Finalement, Buenos Aires va adapter le book-crossing à son univers. »
Le bookcrossing est un phénomène mondial dont le principe est de faire circuler des livres en les « libérant » dans la nature pour qu’ils puissent être retrouvés et lus par d’autres personnes, qui les relâcheront à leur tour : Faire du monde une bibliothèque.
La base du bookcrossing est un site web, qui permet principalement d’enregistrer les livres et de suivre leur parcours. Si quelqu’un décide de relâcher un livre en bookcrossing, il obtient sur le site un numéro identifiant unique (BCID pour BookCrossing ID) qui permet de garder trace du voyage du livre.
La communauté de lecteurs sur le site de Bookcrossing rassemble pas moins de 800 000 membres, dont 300 nouveaux chaque jour. Plus de 4 millions de livres sont enregistrés, même s’il est probable que depuis le début de l’aventure, quelques livres aient été écornés ou égarés. Les membres sont presque majoritairement américains, mais le site est ouvert et partagé par de nombreuses autres nationalités. En France, Voguent les histoires, ou Circul’Livre par exemple, propose de partager un livre avec un inconnu en le laissant dans un lieu public : Je ne suis ni perdu ni oubié je suis pour vous.
La SNCF annonce l’arrêt sur la ligne de Paris-Nord des trains petits gris mis en service entre 1965 et 1971, à la suite de prototypes testés dés 1960, et leur arrêt définitif en 2016. Ces rames au revêtement gris métallisé bien reconnaissable avaient remplacé des rames aux banquettes de bois tirées par des locomotives à vapeur,
Avec leurs lignes extérieures sobres et carénées et leurs banquettes en skaï orange, couleur à la mode à l’époque, elles ont représenté un vrai progrès pour le confort des voyageurs et la régularité de l’exploitation ferroviaire.
Il y a quelques mois de nombreux objets liés à ces vieux trains étaiet mis en vente :
Banquettes, barres d’appui, marchepieds, plaques d’immatriculation, phares ou encore tabourets de conducteurs...
Aucune nostalgie de ces anciens trains, de la disparition de ces rames de métro, juste quelques souvenirs qui remontent à la surface, et toujours comme le révélait très justement François Bon dans le prologue de son Autobiographie des objets : mémoire d’objets mis en abîme.
« Les objets, c’est une danse : on ne s’y reconnaît plus. De deux ans en deux ans il faut se débarrasser de l’ancien et le remplacer par ce qui est tellement mieux – de toute façon il tombe en panne de lui-même et n’est pas réparable. C’est une fête aussi : le questionnement sur le monde, par la vitesse, les avions, les villes découvertes, et ce que nous apprenons à grignoter par nos doigts sur le plastique ou la dalle tactile du téléphone nous apporte des musiques inouïes, des livres rares, l’état précis des routes ou des trains.
On roule sur un abîme : la planète mise à mal, les problèmes politiques et les conflits chacun susceptible de tout faire s’écrouler plus vite qu’aucune guerre autrefois, le cynisme froid de l’argent soufflant plus fort que les vents de haute altitude. Et ces objets à obsolescence programmée qui ont remplacé la vieille permanence, on ne supporte pas de penser à qui et comment et où ils ont été fabriqués, ni ce qu’on fera ensuite de leurs métaux rares et poisons des semi-conducteurs. L’ancien nous émeut : pas forcément pour l’avoir tenu en main dans l’enfance – un tracteur à rouiller dans un champ, une voiture en équilibre sur la pile d’une casse périurbaine, aperçue rapidement du train, et c’est le temps tout entier qui vous saute à la face, et ce qu’on n’a pas su en faire. »
Je me souviens avoir oublié, il y a très longtemps, un paquet de livres auxquels je tenais beaucoup, sur le porte-bagages métallique qu’on trouvait à l’époque, au-dessus des banquettes en skaï orange des petits gris. J’étais allé voir les objets trouvés de la gare dans l’espoir de les retrouver, mais en vain. À l’époque le bookcrossing n’existait pas.
La RATP a installé en mai 2012 un abribus test Gare de Lyon où il est possible de prendre un café en attendant son bus ou encore d’emprunter un ouvrage, sur le principe « je laisse un livre, j’en prends un autre. »
Je n’ai jamais vu fonctionner la vente de café, mais j’imagine que cela pourrait fonctionner si les entreprises de ventes ambulantes jugeaient le lieu suffisamment passant, par contre pour les livres, les rayonnages de la bibliothèque sont toujours désespérément vides quand j’y passe, et les rares livres qui s’y trouvent un peu perdus sur les étagères, sont des ouvrages qu’on aurait plus envie de mettre au pilon que de le les lire.
Quand je pense au bookcrossing, j’y pense en tant qu’auteur, j’imagine plutôt disséminer une fiction dans la ville, comme pour vous êtes ici, par l’intermédiaire de QR codes, ou d’en permettre une lecture évolutive au fil de son parcours, comme dans Les lignes de désir.