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Bonheur d’être qui tu es

D’être qui tu es, le délire en bout de piste ne suffit plus. Ni le temps, cette vieille fille. Ni cette banquise à détisser. Pas même un beau lâcher de faucons. Depuis que la dialectique a loupé la dernière marche, un sommeil narquois , en attente de vide...Ou alors débris d’un paysage, cuir des nuits rutilant dans la coulisse, à l’orée aplanie des tempes, toi flattant la monstrueuse encolure...
Ni ailleurs, ni là. Compter les cylindres, les tours-minute, les vibrations. Congédier. Et puisque le neutre gagne, et gagnera, s’affubler de quelque paradoxe de minuit,ou soutenir l’ombre de ses louves...
Vivier de l’impatience, de tes franchises : spectres à genoux, gels et pièges, vertiges jumelés, l’alcôve où tu me perds, intouchable, sous ta dernière guêpière...
( Pas une feinte. Pas d’horizon. La nostalgie de vaines murailles...).
Soie des pavots, blonde, fais que la nuit future, puisqu’elle sera, ne crisse pas sous le venin de ta descendance. Que l’on ne t’écorche plus aux caillots de silence. Que tu demeure séparé jusque dedans la plaie qui s’arcboute, à la pointe de cette tiédeur drue où, souverain, ton souffle glisse, et la reçoit ! « O the wings of the children », terre des leurres, poing refermé sur la lame, que mille haleines lapident ta soif. Que mille doigts bagués habitent l’isthme de ta cuisse. Déclore les rétines, enfin héler tes spectres... Foulées, foulées... J’ai beau refaire les comptes, épuiser les runes : tu ne fus que pour me justifier, sans crible, ni ressemblance, trop goulûment. Les éclairs sous l’espalier choisi, l’effeuillement des munitions, dedans l’air neuf, pour enfin s’éloigner... À portée de rasoir, l’harnachement des gestations, stigmates, décrues, bons pour oser... Nous acceptions toutes commissions. L’airain, par nécessité. Le paraclet, par désœuvrement. L’avers crevassé, quelque enfant, diurne encore dans ses vagabondages, avec dans ce plus vague projet de décor, l’arbre intact de ses épaules, ses braises somnambules...
De la vouloir comme jamais elle ne fut, et revenant, ne plus t’en retourner : pas même sous le fouet, les neiges repliées, sous l’âpre révulsion des baux, combien purgé de l’avenir, avec la maigreur du tranchant, compté, mais foudroyé, et libre, t’en allant avec qui va, la mémoire qui a repris ses jouets, l’aimant ses chaînes : les chevauchées algonquines sous le charnier des regards, et cette galère de connivence, quelque exorcisme de faux dompteur, sous la lumière bannie, les derniers raccourcis, le couperet des eaux basses...
Je te revois, le masque repeint, penché sur la moindre falaise.
Enfant déjà, criblé de recels, régnant sur les creux et le sel de la place, sous la grande rumeur de fortune.
Il pleuvait, de partout. Mais pas sur la terrasse où tu circulais, affublé du versant inouï, au dernier son du tambour.
Je t’imagine enfin loin des fournées publiques comme du temps où tu t’embarassais d’une apparence de noce.
Assez. Déblaie les mouvements pubères, tétanise-les un à un, dès cette si drue naissance que tu disais louer, louve, loi, servante... Car c’est ici que tout se doit d’être repris, et maintenant, l’ébauche d’invasion, la sente culminant aux sabliers, le sang nouveau...
Pour nous, se jouant des lisières du fumier superbe, tes restes : le bec d’un improbable aigle désenclavant les cils, éperonnant les miroitements. Au bord de l’eau simple, le venin. Comme toujours. La main gantée du mendiant couvant impérieusement la lèpre. Rumeurs des galets, à la nuit. Reculs, parmi les gestes des femmes. L’avenir trépané consume l’ongle, crisse sous la lenteur. Toi tu laisses faire, comme on s’abouche de blessure à blessure, dans le feu inversé, là où fument irréversiblement, épaule contre épaule, tumeurs et rixes, neiges et fables, sous le couteau de fiel d’une houle encore à prendre... Bonheur d’être qui tu es, qu’il ne te soit advenu que ce que tu voulus, les levains et les rives, le foulé et l’avide, le rejet et le clos, les sucs et la soif, l’accru reflué vers ce qui longe et dévie, coupe et tance, t’efface en ce qui fut mais jamais ne sera : ni ton enfant, ni ta noce, ni ton gîte, ni ton ombre...
Non pas la coulée cheminant sur le visage désert, la promeneuse rejointe dans sa faim, et qui te lie.
Non pas le fruit de profil recueillant les soubresauts à ton insu, ou le partage des meules, sans enjeu, impalpable.
Pas même l’intrus, dedans l’enclave mal taillée, jaloux du pas de l’épervier sur la dalle, avec sa frayeur et ses armes, son versant, ses preuves, peut-être, du côté pacifié des souches.
Mais le jour de mer, innombrable, l’histoire de la mer d’un seul tenant gravie et repliée : toi, méridien de ses règnes, n’exigeant pas moins que la mémoire des rives d’herbes chaudes, et qui sont elle, et plus loin qu’elle.
La mer, attendue à pleine gorge, qui calcine l’alliance des mâts, engloutit le dernier tison, son invasion affleurant l’étrave, loin du matin de ronces et de mésanges ; la mer miroitant aux tempes du bestiaire, la mer qui soutient ton insémination, te dévêt des confins, te renverse dans sa tumeur d’écume.
Tu n’en est qu’aux débuts, à la cime des crues. Car il te faudra nager longtemps, à l’affût du foyer perfide, résigné au rythme de cette race des eaux, avant qu’elle ne consente à ta fatigue, et t’inaugure.

André Rougier


LIMINAIRE le 18/03/2024 : un site composé, rédigé et publié par Pierre Ménard avec SPIP depuis 2004. Dépôt légal BNF : ISSN 2267-1153
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