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Séance 297

Cet atelier figure dans l’ouvrage Comment écrire au quotidien : 365 ateliers d’écriture, édité chez Publie.net en version numérique et imprimée : 456 pages, 24€ / 5,99€.

Vous pouvez commander ce livre directement sur la boutique de Publie.net (une manière de soutenir la maison d’édition et ses auteurs) ou en ligne (Amazon Place des libraires, etc.) — et bien évidemment chez votre libraire en lui indiquant l’ISBN 978-2-37177-534-3, distribution Hachette Livre.

Proposition d’écriture :

Pavane pour un amour perdu, déchirant chant d’amour, où tout vient du dedans, de l’expérience intérieure, source d’une parole épousant le ton de la confidence, sollicitant l’imagination du lecteur, créateur de sens et inventeur de sa propre lecture, comme son empathie et ses capacités à démêler les fils du récit. Récit à écrire d’une traite, comme un souffle hébété, dans cette forme neuve, l’éclat, l’éparpillement virtuose. À l’instar de ces peintures en couches successives que l’on peut observer se chevauchant les unes les autres quand on démolit les façades, les souvenirs les plus disparates finissent par fabriquer « un seul et même tissu, un seul et même magma où tout se retrouve se presse et conflue, n’ayant à vrai dire jamais été séparé, les morceaux, les fragments (bribes, parcelles) unis, indissociables, les bouts de soi, les bouts d’écriture ».

Les petites Terres, Michèle Desbordes, Verdier, 2008.

Présentation du texte :

Le dernier livre de Michèle Desborde, Les Petites Terres, ne prétend pas être un roman et porte en sous-titre « Bribes, fragments, parcelles », curieuse précaution pour un texte présenté d’une seule haleine, sans chapitre, aux paragraphes d’une douzaine de pages et aux phrases poussées devant soi vers l’ultime dans l’expiration maximale et ordonnée du souffle repris à chaque point.

« Il y aura ce que nous avons été pour les autres, des bribes, des fragments de nous que parfois ils crurent entrevoir. Il y aura ces rêves de nous qu’ils nourrirent, et nous n’étions jamais les mêmes, nous étions chaque fois ces inconnus magnifiques qu’ils inventaient, ces idées de nous telles des ombres fragiles dans de vieux miroirs oubliés au fond des chambres, et qui ajoutées à nos propres rêves, nos propres et inlassables tentatives de nous-mêmes, composeront durant quelques années encore de la vie sur cette terre cette étrange et brillante, et croirait-on inoubliable mosaïque, où rien ni personne ne permettra de dire vraiment qui nous fûmes. »

Les Petites Terres est un récit d’un seul tenant, tout entier livré à l’évocation d’un amour dont la secrète permanence – au-delà des déchirements, de l’exil et de l’ultime séparation – est la part lumineuse du dernier livre de Michèle Desbordes.

Les petites Terres, Michèle Desbordes, Verdier, 2008.

Extrait :

Il était là parmi ces vieilles où je le trouvais encore parfois, parlant encore avec elles, ayant avec elles encore cette sorte de conversation courtoise et semblait-il enjouée, avec sa mèche sur le front et le même très suave, incomparable sourire, sachant que j’allais venir et m’attendant là tranquillement pour que nous allions faire un tour dans la rue où déjà il ne pouvait sortir seul sans s’égarer ou bien (et alors il se perdait tout autant et ne pouvait plus revenir) marcher et marcher en direction de son ancien quartier, sans le savoir, sans se le dire bien sûr, comme poussé par on ne sait quel instinct, quelle irrésistible habitude remonter la rue d’Alésia jusqu’à la place et de là continuer en direction de la Seine, connaissant, ayant connu pour y avoir à trois reprises vécu ce quartier mieux que tout autre, revenant sur ses pas, revenant sur sa vie comme l’animal chassé de son gîte par la mort d’un maître et qui parcourt dit-on des distances qu’on n’imagine pas pour aller le retrouver là où il repose, rester là des heures entières à gémir près de la tombe, comment donc était-ce possible, traversant la place dans l’emmêlement de voitures de piétons et de motos, ayant moins peur sans doute des voitures et des motos que de se trouver enfermé seul dans la chambre à regarder par la fenêtre, et peut-être étant venu à bout de la traversée s’installait-il là à la terrasse d’une brasserie devant l’église où il regardait les gens passer, oubliant alors peu à peu où il allait de ce pas et renonçant à son périple, à cette avancée hasardeuse et pleine de périls dans la ville soudain hostile, à moins qu’ayant bu le thé et mangé les gâteaux qu’il avait commandés il n’ait continué vers la rue des Plantes puis le métro Plaisance, passant la banque et le marchand de journaux d’autrefois et franchissant à un moment ou un autre sans doute la rue Didot et avec la rue Didot un pan entier de vie, revenant, rôdant là autour du bonheur enfoui, oublié, et peut-être était-ce un de ces jours qu’au 18 ou au 20 de la rue d’Alésia on s’étonnait de ne pas le voir réapparaître pour le dîner et qu’on commençait à le chercher, à se renseigner dans les rues du quartier et donner un premier coup de téléphone au commissariat, ils disaient qu’un matin à l’aube ils avaient trouvé sur le bord du périphérique une petite vieille en combinaison ou chemise de nuit, elle n’était pas de leur maison, non pas de leur maison, mais c’était des choses qui arrivaient il fallait bien le comprendre, aussi proposaient-ils une étiquette, un badge avec le nom et l’adresse à porter épinglé sur la veste ou le manteau de sorte qu’il n’y ait pas, qu’il n’y ait plus d’incidents de ce genre fâcheux pour tout le monde, et alors l’étiquette, le badge bientôt tu les portais bravement, comprenant bien que par ce signe on te distinguait des autres, de ceux qui n’en portaient pas, comprenant chaque jour un peu plus que quelque chose n’allait pas.

Les petites Terres, Michèle Desbordes, Verdier, 2008.

Présentation de l’auteur :

Originaire d’un village de Sologne, Michèle Desbordes grandit à Orléans. À l’issue d’études littéraires en Sorbonne, elle devient conservateur de bibliothèques. Elle exerce d’abord dans des universités parisiennes, puis en Guadeloupe en lecture publique. En 1994, elle est nommée directrice de la Bibliothèque de l’université d’Orléans. Elle vit à Beaugency en Sologne. La Demande a reçu le Prix du roman France-Télévision, le prix du jury Jean Giono ainsi que le Prix des auditeurs de la RTBF. Elle a également écrit : Sombres dans la ville où elles se taisent, Arcane 17 (1986). L’habituée, Verdier (1997). La demande, Verdier (1999). Le commandement, Gallimard (2000). Le lit de la mer, Gallimard (2001). La robe bleue, Verdier (2004). Dans le temps qu’il marchait, éditions Laurence Teper (2004). Un été de glycine, Verdier (2005). L’emprise, Verdier (2006). Artemisia et autres proses, éditions Laurence Teper (2006). Les Petites Terres, éditions Verdier (2008).

Liens :

Présentation du livre sur le site de l’éditeur Verdier

Michèle Desbordes sur le site de Remue.net

Hommage à Michèle Desbordes sur Poezibao

Critique du livre de Michèle Desbordes sur le site Calou, l’ivre de lectures

Article sur les deux derniers ouvrages de Michèle Desbordes dans le journal L’Humanité


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